L'abbé Charles Maignen est né le 7 novembre 1858. Il est le neveu du Père Maurice Maignen qu'il rejoint, à vingt ans, dans la congrégation des Frères de Saint-Vincent-de-Paul. Envoyé en 1881 au Séminaire français de Rome, il y organise une "Conférence" en liaison avec l'oeuvre des cercles catholiques d'ouvriers. Il gagne la confiance du supérieur, le Père Eschbach, qu'il tient au courant des publications concernant les questions sociales. Il est ordonné prêtre à Rome en 1884. Docteur en théologie, attaché d'abord, à Paris, à l'Association des jeunes ouvriers de Notre-Dame de Nazareth, il devient en 1886 le premier aumônier de l'A.C.J.F. et y assume, en outre, la direction de la section des Etudes. Très informé de la recherche doctrinale poursuivie à Rome, il propose une "fidélité inventive" dans le domaine social. Pour garder l'unité et le dynamisme de I'A.C.J.F., Albert de Mun la soustrait à une dépendance trop étroite de l'épiscopat en transférant aux Jésuites la charge d'aumônier. Fin décembre 1887, le Père Le Tallec remplace l'abbé Maignen qui garde la direction des Études. Mais, royaliste, Maignen désapprouve l'adhésion d'A. de Mun à l'encyclique de Léon XIII sur le Ralliement et il quitte l'A.C.J.F. en 1892. En 1894, il perd sa charge de directeur du Cercle catholique de Montparnasse, pour avoir soutenu Drumont contre A. de Mun qui avait appuyé le gouvernement dans le vote des "lois scélérates". Après un passage à l'oeuvre des Orphelins apprentis d'Auteuil, l'abbé Maignen reste sans fonction précise durant une dizaine d'années qu'il emploie à combattre les courants novateurs. En 1898, il publie un livre contre l'américanisme et le Père Hecker : Le Père Hecker est-il un saint ? Contre la tendance démocrate, le Congrès de Bourges de 1900 et les abbés Lemire, Birot, Naudet et Dabry, il publie en 1901: "Nationalisme, catholicisme, révolution". Sur le même sujet, en réponse au livre du P. Maumus : La République et la politique de l'Église, il avait rédigé en 1892, la brochure dont nous publions ici un extrait. Dans "Nouveau catholicisme et nouveau clergé", qu'il publie en 1902, il s'attaque au modernisme. Il s'en prend aux articles d'A. Firmin (pseudonyme de l'abbé Loisy) parus dansla Revue du clergé français. DansLa Vérité, puisLa Vérité française, hostile au Ralliement, organe né d'une scission dans la rédaction de L'Univers, en 1893, et qu'il a contribué à fonder avec Élise Veuillot, il multiplie les articles ; en 1903, il y dénonce les ouvrages de Loisy : "L'Evangile et l'Église" et "Autour d'un petit livre". Le premier "détruit l'édifice catholique tout entier, depuis les fondements jusqu'au faîte, sans en respecter aucune partie et menace la foi des simples". Charles Maignen estime que "l'esprit nouveau inspire chaque jour des témérités plus grandes à ceux qui ont entrepris de rajeunir l'Église en la réconciliant avec le siècle", et il réclame des "exécutions nécessaires" et des "mesures suprêmes". Le second ouvrage prouve le dualisme intellectuel de Loisy, et Maignen montre l'étendue des ravages accomplis déjà dans l'Église. Pour lui, tous les novateurs ont partie liée, "depuis les Annales de philosophie chrétienne jusqu'au Sillon en passant parla Justice sociale..." Il attaque aussi Blondel dont le système, dit-il, "altère ou plutôt détruit la notion du miracle, d'accord avec l'exégèse de M. Loisy qui vient lui prêter appui et en doubler le danger". Charles Maignen ne cessera plus de pourfendre le "nouveau catholicisme" : par là, il désigne tous les courants qui dérivent du catholicisme libéral et dans lesquels il discerne la menace d'un schisme. Sous le supériorat du Père Anizan, Charles Maignen est envoyé à Tournai, à la maison mère dela Congrégation. Sous le pseudonyme de Vincent Després, il correspond avec Mgr Benigni, le chef du Sodalitium Pianum, autrement dit La Sapinière. Lorsque Pie X dépose le P. Anizan, au début de 1914, Maignen est appelé à Rome comme recteur du scolasticat. En 1917, il est nommé procureur général de sa Congrégation et qualificateur du Saint-Office. En 1933, Charles Maignen a résumé sa pensée dans "La doctrine sociale de l'Église d'après les encycliques". Il meurt le 3 octobre 1937. (D'après M. l'Abbé Nicolas Pinaud dans "Le Donjon" de février 2004.)