Slaviste de renommée mondiale, Georges Nivat propose ici un chemin au travers des grandes problématiques de la culture russe, tout en indiquant quel a été son propre parcours.
Aussi cet ouvrage ressortit à l'autobiographie intellectuelle comme à l'histoire de la culture. Les clés de la culture russe - orthodoxie, utopie, fuite hors du monde, complexe de l'échec - éclairent des relectures de Pouchkine, Dostoïevski, Tolstoï, Tchékhov, Blok, Biély, Chalamov et Soljénitsyne.
Le "menti-vrai" de l'idéologie communiste y est étudié, ainsi que la presque "indicibilité" du goulag en tant qu'image honteuse pour l'homme survivant. De brèves analyses des auteurs actuels voisinent avec de longues plongées dans l'univers des "grands visuels" russes comme le peintre et graveur Alexéïeff, le cinéaste Sokourov, ou le peintre Music. Des échappées vers la littérature française avec Volkoff, ou serbe avec Tchossitch, élargissent l'horizon de la "russitude". L'instabilité de la conscience nationale russe s'éclaire au fil du livre, ainsi que ce primat du spirituel qui pousse l'homme russe à la fuite hors du monde ou à la dissidence, et amena le poète Pouchkine à s'inspirer du grand poète puritain anglais Bunyan et de son Voyage du Pèlerin.
L'incertitude sur la place de la Russie dans l'Europe, croisement contradictoire des axes Nord-Sud (des Varègues aux Grecs) et Ouest-Est (le mouvement eurasien) amènent l'auteur à une conclusion relativement pessimiste sur ce qu'est aujourd'hui la "traversée d'Europe", le "désir d'Europe" qui jadis poussa le poète suisse Blaise Cendrars vers le mirage de la "légende de Novgorod".
Journal de son propre désir de Russie et mise en perspective de ses études sur la littérature et la culture russes, Vivre en russe, que propose aujourd'hui Georges Nivat, clôt une trilogie dont les premiers tomes furent Vers la fin du mythe russe et Russie-Europe : la fin d'un mythe.