C'est en 1954, il y a 67 ans, que Victor Loupan voit le jour à Tchernowitz, ville où ont vécu de grands écrivains. Ce qui est aujourd'hui l'Ukraine était alors l'URSS. Des études primaires, des études secondaires, deux premières années universitaires à la faculté de philologie romane... "J'ai eu une enfance très heureuse et très épanouie", disait-il, "vivre dans un pays totalitaire n'empêche pas une vie culturelle intense". Il a 14 ans lorsqu'un conflit politique oppose son père aux autorités soviétiques. 4 ans plus tard, toute la famille est poussée à l'exil. Une nouvelle étape dans la vie de Victor Loupan, à Bruxelles cette fois. Passionné de théâtre, de cinéma, lecteur boulimique, il est admis à l'INSAS, une école réputée. C'est là qu'il rencontre Cécile, qui deviendra son épouse. Il monte alors son propre théâtre, Cévi Loubrah, mettant en scène, entre autres, les écrits de Thérèse d'Avila. Nouveau pays, nouvelle étape en 1982. Les Etats-Unis. Durant 2 ans, Victor Loupan enseigne à l'Université en Louisiane. Là encore, l'art de la scène n'est jamais loin. Pour le prestigieux American Film Institute à Los Angeles, il réalise 3 moyens métrages dont une comédie, "Ivan in Paradise", sur le mariage blanc d'un émigré russe aux Etats-Unis. C'est en 1985 que Victor Loupan rejoint la France. "C'était vivre dans la liberté, dans un monde ouvert", répétait-il "je suis l'exemple même du cosmopolite". Une série de documentaires réalisée pour Arte, France 2 et France 3 sur les prisonniers soviétiques en Afghanistan provoque la colère de l'URSS. Victor, c'est aussi un documentaire de référence sur le prix Nobel de Littérature, poète russe et citoyen américain, Joseph Brodski... et un reportage, après la chute du communisme, sur la Moldavie, république dans laquelle il a grandi. Durant cette période, il a également la chance de collaborer, à plusieurs reprises, avec le cinéaste Andrei Tarkovski. "Tarkovski me disait toujours : tu dois te rapprocher de Dieu... Il a été à l'origine de ma vraie conversion", racontait Victor Loupan. Les années 80 sont celles aussi du journalisme. L'Express, VSD et bien sûr le Figaro Magazine... Chute du communisme dans les pays de l'Est, chute de Ceausescu, guerres de Yougoslavie, du Kosovo, de Tchétchénie... Victor Loupan est de tous les conflits. Pas moins de 200 reportages qui font de lui une plume connue et reconnue par ses pairs. Reportages qui donnent également lieu à l'écriture de livres, qui se révèlent parfois prémonitoires, comme "Le défi russe" sur l'arrivée du Poutine au pouvoir. Depuis 2006, il était également rédacteur en chef de La Pensée russe, journal de référence de l'émigration russe en Europe. Après le journalisme, ce sera le monde de l'édition. Aux Presses de la Renaissance, Victor Loupan publie notamment une Bible illustrée des chefs d'oeuvre de la peinture occidentale, préfacée par Régis Debray, Bible qui a fait date. Il fonde ensuite sa propre maison, Les Editions de l'Oeuvre, donnant notamment la parole à l'Iranien converti Joseph Fadelle. Plus tard, Victor Loupan prend la direction des éditions Le Rocher. Victor a longtemps participé au "Grand débat" du vendredi matin, sur notre antenne. Il y a maintenant plus de 8 ans, il a créé "Lumière de l'orthodoxie". On se souvient aussi de "Surexposition" sur l'actualité des beaux-arts et d' "Ecrans & Toiles" sur le cinéma, devenues en 2019, l'émission quotidienne "Culture Club". C'est que le grand écran a toujours passionné Victor. A tel point qu'il a même choisi d'enseigner, en 2014, le langage Cinématographique à la célèbre Ecole Georges Méliès. Nombre de ses collègues et élèves témoignent aujourd'hui de son talent de pédagogue. Victor Loupan, c'est aussi une figure de l'orthodoxie russe. Un paroissien de la cathédrale Saint Alexandre Nevski à Paris qui a toujours veillé à rétablir l'unité entre l'Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale et son Église-mère. Un membre également du Conseil pour la culture du Patriarcat de Moscou. Ils disaient d'ailleurs que les paroles qui le touchaient le plus étaient celles de Saint Paul sur la charité. "Parce qu'en russe, charité se dit amour". Avec son épouse Cécile, dont je me fais le porte-voix à travers ce portrait, il a eu quatre enfants et onze petits-enfants. Sa famille qui tient à remercier du fond du cœur toutes celles et ceux qui ont manifesté leur peine et leur affection. A l'image de ce message laissé par Cédric sur notre site internet : "Quelle tristesse !", écrit-il, "Victor a été un grand journaliste et une voix tant appréciée sur Radio Notre Dame. Sa faconde, son bon sens, sa convivialité nous manquera tous... Je prierai pour lui". [Publié le 24 janvier 2022 à 11h56 par Marion Duchene]