"La route ne grimpe plus, elle descend. Après les circuits hâtifs que la jeunesse imagine pour mieux assouvir son amour des courses au bord des ravins, elle dévale à l'heure dangereuse de certains jours. La fin du voyage approche, une fin en désespoir de cause. Le grand âge est là, sa vigilance ne pèse pas trop lourd. Quelque chose est en train de mourir, quelque chose attend de naître. Quoi ? Je l'ignore ou, plutôt, je fais semblant de l'ignorer pour écarter de moi la phrase grinçante et terrible : on ne vieillit pas, on durcit à certaines places, on pourrit à d'autres.
Le seul remède à cette angoisse, c'est la tendresse."
Mais peut-être Pol Vandromme espérait-il en un autre "remède" : donner à son oeuvre une coda qui en fût le reflet fidèle. Ainsi composa-t-il, peu de temps avant sa mort, ce florilège de "chroniques" et d'" évocations" qu'il corrigea de sa main, où transparaît la constance de son hostilité aux sectarismes - son "indifférence de rébellion". Et voilà le lecteur invité à muser du côté de ses humeurs littéraires, élogieuses ou acerbes, puis à visiter ses "paysages" - la Meuse, la Sambre, Liège, Binche... - tous marqués au sceau d'un de ses "écrivains de prédilection". Qu'elle célèbre le "grand talent de Sartre" ou le "génie de Céline", s'affûte jusqu'au tranchant face aux louanges exagérées, ou devienne lyrique pour dire les saisons et les jours c'est, toujours, la voix d'un écrivain de haut vol qu'on entend.
Pol Vandromme (1927-2009), natif du Hainaut, aura été pendant plus d'un demi-siècle l'un des plus éminents critiques littéraires européens de langue française. Parmi les quelque cinquante ouvrages qu'il a publiés, on retiendra Aymé (Gallimard), Françoise Sagan ou l'élégance de survivre (Le Rocher), Roger Nimier, le Grand d'Espagne (Vagabonde), Le Monde de Tintin (La Table Ronde), Georges Simenon, romancier russe de langue française (L'Age d'Homme), Céline et Cie (L'Age d'Homme).