Souviens-toi de moi dans ton royaume.
4/5 Lecture et Tradition .
.----. L'abbé de Tanoüarn nous entraîne dans une réflexion sur le mal. La connaissance n'est pas mauvaise en soi ; ce qui est folie, c'est la raison humaine qui devient libertaire. Platon, Descartes (p. 64-65), Maurras (p. 68), Pélage (p. 72-73), Bossuet, sont tour à tour sollicités dans des questionnements parfois audacieux mais jamais téméraires.
Puis, à partir du chapitre XIV, l'auteur propose une initiation à la théologie en suivant saint Thomas. Mais l'abbé de Tanoüarn va même jusqu'à faire frémir son lecteur puisque, dans la même page 214, il n'hésite pas à parler, à côté de Pierre Lombard et du Docteur angélique, du Catéchisme de l'Église catholique de 1992 et d'une étude de Mgr Guérard des Lauriers !
« Nous avons essayé de montrer que le rationalisme, la réduction de toute intelligence à la raison raisonnante, est la source cachée du péché originel, quelque chose comme l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Hélas notre modernité semble retrouver cette ambition satanique : prouver le mal, démontrer le bien, et, dans tous les cas, calculer l'intérêt de chaque individu. »
Quelle est, pour conclure, l'espérance de l'homme pécheur ? « Après l'histoire, il ne reste que l'enfer pour celui qui s'est pris pour Dieu et qui n’en a pas fini avec les désillusions. L’enfer ou bien…
Celui qui est capable d’articuler cet « ou bien… » avec foi, celui qui est capable d’attendre Dieu malgré les déceptions de la vie, celui qui est capable de crier « Souviens-toi de moi dans ton Royaume », comme Dismas, le bon larron, celui-là Dieu ne peut trahir son attente. » [ François Delbe dans " Lecture et Tradition " numéro 37-NS ; mai 2014 .( Tous les numéros disponibles de notre revue sont en vente sur ce site ) ]
Superbement mené !
3/5 Reconquête.
Non, ça n'est pas une histoire de l'humanité dans toutes ses turpitudes, ni de la nature dans toutes ses méchancetés ! Le projet en serait dément !
Celui de l'abbé Guillaume de Tanoüarn, superbement mené, porte sur l'histoire de la genèse du mal, sur son essence, plus que sur son existence au long des millénaires. Et ce, en raison d'une idée, ou plutôt d'une vérité centrale que l'on peut exprimer ainsi sans trahir Tanoüarn : si le mal est dans ce monde, son origine n'est pas de ce monde.
Cette vérité, il l'assène dans l'intitulé même de son prologue : « le mal est surnaturel », qu'explicitent notamment ces lignes dans les premières pages : « Le mal véritable possède quelque chose de surnaturel. Il met en cause Dieu lui-même avec une violence redoutable. Les philosophes disent que le mal est une absence. Ils ont tort de s'en tenir à cette phénoménologie transcendantale. Concrètement, le mal est une puissance contre laquelle souvent il semble qu'il n'y ait rien à faire. »
On le perçoit très vite, c'est à une sorte de pénétration du pourquoi du mal que va s'efforcer Tanoüarn, solidement, « les deux pieds dans la Genèse », selon le titre de la première partie du livre. Sa réponse à la question du mal est radicale, au sens étymologique, en tant qu'elle vise la racine même du phénomène, qui est surnaturelle, et aussi parce qu'elle en surprendra peut-être certains qu'une théologie apeurée veut éloigner de toute réflexion sur la finalité du mal dans la volonté de Dieu.
[...]
C'est que l'élaboration intellectuelle non orgueilleuse exige, autant que faire se peut, le bel exercice des pensées comparées. Tanoüarn en est un remarquable rassembleur.
Il nous faut aller à sa conclusion : « Le but de celui qui essaie d'éviter la spirale autodestructrice du péché, c'est d'entrer dans ce champ de l'autre qui s'appelle l'amour, l'amour comme absolu, l'amour capable de nous décentrer de nous-mêmes, l'amour divin. Un amour dont la matière oblative est le Moi dans tous ses états. Un amour qui intègre le sacrifice : “Parce que tu étais agréable au Seigneur, il était nécessaire que la tentation t'éprouve” ». (Tobie 12,13)
Oui, vraiment l'histoire du mal est d'abord surnaturelle. [ Bernard Antony dans : Reconquête, n°308, mai 2014 ]