écrit avec son coeur ; Promenade ...
5/5 Culture et Lecture des Jeunes .
.----. Les spécialistes, les érudits, feront à ce livre toutes sortes d'objections, mais Kleber Haedens ne se prétend ni spécialiste ni érudit. Il aime la littérature, il la connait et il a écrit ce livre avec son cœur, autant qu'avec sa science des choses et des hommes de la Littérature.
Ce livre n'est pas un manuel. C'est une promenade à travers la littérature, une histoire peuplée de personnages. Ces personnages nous les connaissons, ou nous croyons les connaître ; mais nous les voyons sous un jour nouveau, ils nous apparaissent plus proches, plus vivants qu'autrefois. Ils s'animent devant nous comme ils ont animé leur époque, et avec eux c'est tout un monde qui ressuscite.
Certaines époques passées sous silence dans les manuels de Littérature, telle la fin de la Renaissance et le début du 17ème siècle sont tirées de l'oubli : période foisonnante, pleine de poètes que la postérité n'a pas retenus, dont Kleber Haedens nous conte les aventures en même temps qu'il nous cite leurs vers. Au passage il refait d'une manière primesautière le classique parallèle entre Racine et Corneille ; on peut regretter qu'il ne consacre à Pascal que deux pages, tout est dit de celui qui "a un chemin du ciel et de la terre, ou plus exactement, tout entier dans le ciel et tout entier sur la terre... se consumer dans une pluie d'étincelles et de foudre".
Le 18e siècle est ramené à ses justes proportions : c'est un siècle sans poètes et si "Voltaire plait à la foule, c'est parce que ses idées sont simples, superficielles, correspondent aux vœux du grand nombre et qu'il s'exprime dans une forme plaisante et vive." De ce 18e siècle K. Haedens rappelle "les excès humanitaires qui conduisirent à la guillotine et contrastent avec la froideur des sentiments et des mœurs".
De Rousseau à A. Gide nous voyons passer "le ténébreux cortège des enfants du siècle, des âmes sensibles, des génies damnés et frissonnants..." C'est l'époque où "La Liberté prend la silhouette de la guillotine, l'époque où les hommes meurent plus sûrement que les préjugés."
Des troubadours à Ionesco, les portraits défilent. Leconte de Lisle "qui imagina de passer un collier barbaresque à la poésie française". Verhaeren et "sa poésie pleine d'escarbilles", Paul Bourget avec ses héroïnes "à mi chemin entre le confessionnal et l'adultère", Maurras qui "appartient à ce petit groupe d'écrivains bénis qui ont maintenu parmi les abandons et les désordres la noblesse de la Littérature française".
Dans le tableau rapide qu'il fait de la littérature d'après guerre, K. Haedens dénonce au passage la "duperie foraine de l'engagement" et pour qualifier le "nouveau roman" il retrouve une définition de Jules Renard datée de 1892 : "La formule nouvelle du roman, c'est de ne pas faire de roman". Certes, on pourra dire de ce livre qu'il est un livre d'humeur ; mais tel qu'il est c'est le livre d'un homme de goût qui fait de notre littérature une histoire vivante.
POUR QUI CE LIVRE ? pour classes terminales, et adultes désireux de rafraichir leur mémoire sans ennui. 17 ans. [ Rédigé à partir de l'édition 1970 chez Grasset . " Culture et Lecture des Jeunes " , numéro XV - Pâques 1971 }]