Ils étaient les enfants de D'Annunzio, de Barrès, de Marinetti et de T. E. Lawrence. Ils avaient le goût de l'utopie, le culte de la jeunesse et celui de la belle mort. Ils se nommaient René Crevel, Klaus Mann, W. H. Auden, ou Lauro de Bosis. Trop jeunes pour avoir connu l'épreuve des tranchées et hantés par le sentiment d'avoir manqué la grande occasion de leur vie, ils ont espéré rendre leur existence "inimitable".
A ces poètes guerriers dans l'âme en mal d'héroïsme, l'ère des totalitarismes montants a offert une chance inespérée de se faire entendre. La guerre d'Espagne a été leur moment. Ils ont succombé à la tentation marxiste ou fasciste, ils sont tombés les armes à la main, aux commandes d'un avion ou d'une balle dans la tempe, ils ont glissé parfois vers l'autodestruction : nulle cohérence idéologique n'unifie leur groupe, mais la rupture avec le monde des pères, la révolte des sens, la tentation de l'absolu.
C'est tout l'esprit de cette jeunesse que fait revivre ici Maurizio Serra, et la richesse ses paradoxes.
Ecrivain et diplomate, Maurizio Serra est l'auteur de nombreux essais, parmi lesquels Les frères séparés : Drieu La Rochelle, Aragon, Malraux face à l'histoire (La Table ronde, La petite Vermillon, 2011) et de deux biographies Malaparte, vies et légendes (Grasset, prix Goncourt de la biographie, 2011) et Italo Svevo ou l'antivie (Grasset, 2013).