"Les enfants de la guerre 1939-1945 ont trop souffert de violence et de crimes et ont trop entendu de mensonges et de bobards pour ne pas désirer la liberté de pensée, de parler et d'écrire pour tous les chercheurs, sans tabou..." Exceptionnel était le spectacle d'un peuple presqu'unanime, pendant l'été 1940, à considérer son chef d'Etat comme "un messie, un sauveur". J'étais jeune adolescent.
Mais, depuis cette époque-là, je n'ai plus revu ou ressenti tout autour de moi, cette atmosphère, non pas de soumission, mais d'absolue confiance, de vénération vis-à-vis d'un homme à la tête de notre pays. Il était déjà âgé de 84 ans, ce qui aurait pu tout de même en faire réfléchir plus d'un. Cet engouement spontané pouvait-il être durable ? Plusieurs années plus tard, on nous dit qu'un certain général de brigade à titre temporaire nommé De Gaulle avait lancé un appel depuis Londres, le 18 juin, pour le rejoindre et continuer la lutte.
Quelques journaux signalèrent ce fait en troisième ou quatrième page. A l'époque, cela parut farfelu à la majorité des Français. Ceux qui prirent connaissance de l'entrefilet avaient haussé les épaules, mis à part quelques irréductibles, peu nombreux, qui partirent à Londres illico. Ce récit ne se veut pas le reflet de l'Histoire de toute la France avant, pendant ou après l'Occupation. Il n'est que le témoignage d'un adolescent ordinaire ballotté par les événements, curieux comme tous ses camarades, et qui a beaucoup observé et écouté.
Le jeune témoin ne retrouve pas du tout ses expériences vécues de vie urbaine comme rurale dans les descriptions parfois apocalyptiques conçues par des metteurs en scène de cinéma n'ayant pas été plongés en cette période trouble, décrites par des journalistes partisans nés après-guerre ou des petits-enfants de personnages qui, tel Ulysse, ont conté des romans embellis ou noircis à dessein. Tout le monde, en cette époque, a supporté de sombres expériences.
Il n'y eût pas qu'une seule catégorie d'êtres humains à souffrir plus que d'autres.
François-René Nans est un ancien professeur certifié de mathématiques par concours externe, DEA de troisième cycle d'algèbre (Paris 6), ancien chef d'établissement d'enseignement secondaire, passionné de littérature et d'histoire, auteur d'articles sur les mathématiques et le syndicalisme universitaire. Il a été l'auteur d'une biographie de Philippe Henriot en 1996. Les circonstances de la vie lui imposèrent d'abandonner des études d'ingénieur pour exercer la profession d'inspecteur-adjoint des PTT avant de devenir enseignant, après son service militaire.