Georges Herold n'a que 11 ans en 1914 lorsque la guerre éclate. C'est donc avec un regard d'enfant qu'il observe les événements auxquels il est mêlé. Les grands bouleversements, bien sûr : la mobilisation de son père (sous uniforme feldgrau puisqu'il est Alsacien), la prise (ou la libération ?) de sa ville - Mulhouse - par les Français, le retour de l'armée allemande, les combats qui font rage dans les faubourgs et la forêt de la Hardt, mais aussi les petits et les grands drames de la vie quotidienne : le froid, la faim, les lâchetés, les trahisons. Il n'aime pas trop l'école, mais il est débrouillard et n'a peur de rien, si bien qu'il devient très vite un petit homme, et, après le départ de son père, le principal soutien de sa mère.
Allemand par sa naissance et par sa langue, travaillant à l'arrière du front pour l'armée de Guillaume II, Georges voit-il pour autant l'Allemagne comme son Heimat ? Rien n'est moins sûr : il n'a pas ses yeux ni sa langue dans sa poche et ne prive jamais de critiquer l'incompétence, la suffisance, l'autoritarisme, la cruauté des officiers du Reich et de leurs affidés, même si, pour lui, "français" signifie à priori, "ennemi". Et c'est avec joie, comme la majorité de ses compatriotes, qu'il accueille, en 1918, le retour triomphal du drapeau tricolore sur sa ville et sa région.
Car à l'image du célèbre Hans em Schnokeloch, incarnation populaire de la dualité franco-germanique des Alsaciens, Georges Herold est avant tout de chez lui, son Mulhouse et sa petite patrie. Et son unique parti est celui de la paix. En 1932, s'appuyant sur la collection (malheureusement perdue depuis) d'objets et de documents qu'il s'est patiemment et passionnément constituée tout au long du conflit, Georges Herold décide d'écrire (en allemand !) ses souvenirs.
C'est ce récit naïf et coloré, émouvant et impertinent à la fois, des aventures et mésaventures de ce petit Mulhousien pris dans les turbulences de la Grande Guerre, que ce livre nous fait découvrir. Retrouvé par sa petite-fille, merveilleusement illustré par Philippe Delestre, ce fils spirituel de Hansi dont les dessins font la une des journaux de l'Est, cet album fera le bonheur des Alsaciens et permettra aux "Français de l'intérieur" de mieux comprendre leur âme et leur dualité francogermanique que résume le fameux proverbe de 1870 : "Français ne peux, Allemand ne veux, Alsacien suis".