Un moyen de faire du fruit dans les âmes : les livres et les tracts
Un moyen de faire du fruit dans les âmes : les livres et les tracts
L’imprimerie qui, hélas !, aide si puissamment les forces du mal, peut rendre des services incalculables à la cause de Dieu et des âmes. Car si tous ne peuvent entendre la bonne parole, tous peuvent lire un bon livre. Si vous ne pouvez vous rendre à l’église, le bon livre ira chez vous. Le prédicateur ne peut prononcer constamment des sermons ; le bon livre parle à sa place : jamais il ne fatigue, et il est toujours disposé à répéter les mêmes choses.
…Si la lecture des bons livres a été considérée de tout temps comme très utile, l’époque actuelle en a fait une nécessité, et nous voyons les gens comme saisis du délire de la lecture, à tel point que s’ils ne trouvent pas de bons livres, ils en liront de mauvais.
On peut dire que la lecture est la nourriture de l’âme. Si on donne au corps une alimentation saine, il se portera bien ; si on lui fournit des mets avariés, il éprouvera de graves malaises. Il en est de même pour les livres. Ceux qui sont bons et adaptés aux lecteurs produisent d’excellents effets ; les mauvais, au contraire, détruisent la foi, et corrompent les mœurs. C’est d’abord l’entendement qui s’égare, c’est ensuite le cœur qui se corrompt.
De nos jours il importe plus que jamais de faire circuler les bons livres. Remarquons, toutefois, qu’ils ne doivent pas être gros et encombrants, parce que les hommes d’aujourd’hui sont pressés, ils courent à leurs affaires ou à leurs plaisirs. Si le livre est volumineux, on le mettra de côté ; il servira uniquement à garnir les rayons des bibliothèques. Aussi, convaincu de cette vérité d’expérience, j’ai fait paraître de nombreux livres et une grande quantité de feuilles volantes.
Je publiais beaucoup de feuilles volantes parce que je constatais les heureux fruits qu’elles produisaient dans les âmes. Je les distribuais à profusion. Je donnais aussi des images dont je tâchais d’être toujours abondamment pourvu. A ce sujet je raconterai un fait curieux qui m’est arrivé dans une des plus grandes villes d’Espagne.
Un soir, comme je passais dans une rue, un enfant vint à moi, me baisa la main et demanda une image, que je lui donnai de bon cœur. Le lendemain, de bonne heure, je me rendis à l’église où j’avais coutume de dire la messe et de confesser.
Après avoir célébré, je faisais mon action de grâces dans le sanctuaire, quand je vis près de moi un homme grand et fort, enveloppé dans une large cape. Je ne voyais de son visage que le nez et le front, car le reste était garni d’une moustache longue et épaisse et d’une barbe touffue ; de ses deux mains il ajustait le collet du manteau sous le menton, lui aussi couvert de longs poils. D’une voix rauque et tremblante, il me demanda poliment si je voulais l’entendre en confession.
J’y consentis. et comme je voyais que l’accès de mon confessionnal était défendu par des hommes et femmes en grand nombre qui m’attendaient, je pensais que je devais quelques égards à cet homme et je le conduisis avec moi dans la sacristie. Je choisis un coin bien tranquille où nous pûmes nous isoler.
Quand je fus assis, cet homme se jeta à mes genoux et commença à pleurer, en proie à une telle douleur, que je ne parvenais pas à l’apaiser. Je lui posai quelques questions pour savoir la cause de ce désespoir. Parmi les sanglots et les soupirs, il me raconta ceci :
Père, vous êtes passé hier soir devant ma maison ; mon enfant en est sorti pour vous baiser la main et vous a demandé une image. Puis, tout content, il est remonté auprès de moi, il a regardé l’image un instant, et l’ayant déposée sur la table, il est sorti de nouveau pour aller jouer, me laissant seul.
Piqué par la curiosité, et comme par passe-temps, j’ai pris cette image et me suis mis à lire le texte qui l’accompagne. Ah ! mon Père, je ne puis expliquer ce que j’ai ressenti; Chacun des mots que je lisais était comme un poignard qui m’entrait dans le cœur !
Aussitôt je résolus de me confesser. Et comme Dieu s’était servi de vous, par le moyen de cette image, pour me rappeler à son souvenir j’ai pensé que je devais me confesser à vous. J’ai passé toute la nuit au milieu de mes larmes à examiner ma conscience. Et me voici à vos pieds. Je suis un grand pécheur ; je ne me suis pas confessé depuis mon enfance, et j’ai cinquante ans. J’ai été le chef d’une bande de malfaiteurs. Père, croyez-vous qu’il y aura un pardon pour moi ?
Je lui répondis : Oui, bien sûr, il y aura un pardon pour vous, car Dieu est un Père infiniment bon, rempli de miséricorde. Ayez confiance ! S’il s’est rappelé à vous par le moyen de cette image, c’est parce qu’il veut vous sauver. Comme vous avez bien fait de ne pas endurcir votre cœur et d’exécuter sans tarder votre résolution de vous confesser !
Il se confessa et se releva. l’âme rassérénée et pleine de joie.
Quand mes images et mes imprimés n’auraient amené que cette conversion, je m’estimerais très bien payé de mes peines et de mes dépenses.
J’ajouterai un autre fait. A Villafranca del Panadés, je trouvais quatre condamnés à mort qui avaient refusé les secours de la religion. Je donnais à chacun une image et quelques feuilles. Résultat : les quatre demandèrent à se confesser, reçurent la sainte communion avec dévotion, et marchèrent à l’échafaud avec courage.
Texte à retrouver dans le numéro 4 des Cahiers de Chiré, Pour répondre à 1789 utilisons nos armes : les livres (1989)