" Est-il décent d'écrire son autobiographie à l'âge de trente ans ? C'est précisément à cet âge, en 1911, que Giovanni Papini commence à rédiger Un homme fini. Achevé en 1912, ce livre singulier paraît à Florence au début de l'année suivante. Faut-il considérer Un homme fini comme une autobiographie culturelle ? Et si tel était le cas, ce projet peut-il justifier à lui seul le livre ? Sans doute Un homme fini relève-t-il en partie de ce genre, mais ses enjeux et les ambitions de Papini vont bien au-delà. On ne saurait, autrement, expliquer le succès de ce livre qui a été tenu, à juste titre, pour le miroir d'une génération. Un homme fini est le roman d'une quête identitaire qui s'appuie sur la constatation d'un échec. Celui-ci est, paradoxalement, le point de départ du récit et non pas sa conclusion. L'échec d'un homme qui se sentait appelé à une vocation prophétique et qui constate, en lui-même et autour de lui, la faillite de son rêve messianique, plus que prométhéen, de diviniser l'homme, de le transformer, par la pensée, par l'art en homme-dieu. En filigrane on lit l'idéologie du surhomme de Nietzsche, qui n'épuise pourtant pas le projet de Papini. C'est la faillite d'une pensée abstraite, désincarnée. Un homme fini est une autobiographie existentielle, le récit d'une aventure de l'esprit où seuls comptent les constructions, les errements, les enthousiasmes et les mirages de la pensée.