Dès sa prise de fonctions de Résident général de France au Maroc en 1912, Lyautey veut réaliser l'unité du territoire marocain : En 1916, avant d'entreprendre l'opération principale de jonction Bou Denib-Meknès qui nécessite l'unité de commandement, Lyautey forme le projet du rattachement au Maroc du Territoire algérien d'Aïn Sefra, formellement rejeté par l'Algérie. Puis il forme le projet d'un blocus du Tafilalet pour acculer ses populations à la soumission, que rejette aussi formellement l'Algérie. Lyautey va pourtant persister dans son idée qui va devenir une " idée fixe ", de jonction, en pleine guerre européenne, entre le Maroc occidental et la partie sud du Maroc oriental.
Après les durs combats de 1916, préalables indispensables à l'opération de jonction ayant abouti à la soumission et à la demande de protection de l'armée française, par les djemaa du Tafilalet, et à son occupation en 1917 par les Français sur son ordre, Lyautey tourne le dos au Tafilalet qu'il appelle le "Maroc inutile" pour ne plus s'occuper que du Maroc occidental qu'il appelle le "Maroc utile". Il fait évacuer le Tafilalet dont les populations, se sentant abandonnées par les Français, se sont solidarisées avec les tribus berbères du sud. Cette évacuation calamiteuse, qui ne s'imposait pas, eut des suites désastreuses avec le soulèvement général, en 1918, de toutes les tribus du Sud difficilement contenu, nécessitant d'importants renforts.
Lyautey, pour une fois, a, hélas, oublié ses fameuses et pertinentes formules : "montrer sa force pour en éviter l'emploi" et : "on n'évacue pas, si on évacue nous sommes fichus". Lyautey va tout faire pour faire disparaître de l'histoire du Maroc, cette regrettable "Affaire du Tafilalet" qui aurait pu lui coûter sa carrière et ruiner son œuvre par ailleurs exemplaire, au Maroc.
Paul Doury né en 1917, Médecin Général Inspecteur, ancien professeur titulaire de la chaîne d'Hygiène du Val de Grâces, s'est orienté vers l'histoire et l'histoire de la Médecine, après avoir, au début de sa carrière, servi au Hoggar, dans l'extrême sud saharien, puis au Maroc à l'hôpital militaire d'instruction Mohammed V des Forces Armées Royales marocaines, à la faculté de Médecine de Rabat.
Docteur en Histoire de l'Université Paris IV - Sorbonne il est président d'honneur de "la Rahla, Amicale des Sahariens". Membre de l'Association des écrivains combattants. Il a été élu en 1993, membre correspondant de l'Académie Nationale de Médecine.