Lev Davidovitch Bronstein, dit Trotski, a dérouté ceux qui ont d'abord découvert le communisme soviétique à travers l'image des dirigeants du Kremlin de l'URSS finissante, entre 1953 et 1989. Charmeur, cultivé, cosmopolite, inclassable, il courait les aventures comme en se jouant.
Sans lui - issu de possédants, très à l'aise - , les bolcheviques n'auraient pas pris le pouvoir en novembre 1917 à Petrograd. Ni gagné l'effroyable guerre civile de 1918 à 1922, pendant laquelle Trotski fera massacrer des "Blancs", des "Rouges" déviants et tant d'autres. Convaincu de son écrasante supériorité sur les autres chefs rouges, les méprisant, sûr de succéder à Lénine, Trotski se transformera en oiseau hypnotisé par un serpent quand Staline se dressera face à lui. Éliminé de l'URSS, réduit à des jeux politiques de bac à sable dans l'émigration, errant d'un pays à l'autre, sa mort violente au Mexique en fait le martyr légendaire du communisme mondialiste. Le voici victime par excellence. Et cela lui vaut des disciples sculptés à son image : individualistes forcenés, intransigeants, à la poursuite d'un but unique, la société totalitaire globale.
Ce "Qui suis-je?" Trotski montre comment, tantôt bardé de cuir, revolver au côté, cassant, impitoyable, tantôt souffrant, alangui, père de famille attendri, causeur séduisant, amoureux de la nature, le personnage revêt un double aspect, qui trompera ses partisans et ses ennemis.