"Ne réveillez pas madame ".
5/5 Plaisir de Lire .
.----. Julien Paluche, metteur en scène et comédien de renom, ne s'est jamais guéri de son enfance et des blessures que lui ont infligées ses parents, qu'il aimait pourtant . Une mère comédienne, elle aussi, plus préoccupée de ses rôles et de ses amants que de son fils, et qu'il ne fallait pas réveiller le matin . Un père triste, terne et trompé et qui a raté jusqu'à son suicide .
Et Julien n'a pas davantage réussi sa vie conjugale : Rosa, sa première femme l'a trahi avec son meilleur ami - entre autres ! - Aglaé épousée ensuite alors qu'elle disait rêver de la vie de famille est devenue elle aussi une femme de théâtre - cette seconde Madame qu'il ne faut pas réveiller et qui est prête à sacrifier son foyer à ses ambitions . Et Julien, le pur, le passionné, qui croit à son art, l'écorché vif qui a besoin qu'on l'aime, finira comme les autres par accepter une vie stupide, le succès;, l'argent, les mondanités, et la pension pour ses enfants . Il renoncera même sans doute à jouer Hamlet, dont il avait toujours rêver .
Ce résumé ne peut donner qu'une idée bien imparfaite de la pièce d'Anouilh . Il est clair en effet qu'on y retrouve les thèmes chers à l'auteur, et la vie qui avilit les plus nobles, et l'amour et l'amitié toujours déçue . Mais "Ne réveillez pas Madame" est aussi une très belle pièce sur le théâtre et les comédiens qui voudraient être les "autres". C'est une pièce à la construction originale où s'entremêlent savamment le passé et le présent, les scènes de théâtre et les scènes de la vie . C'est une pièce avec des caractères, et des personnages pittoresques - tels celui symbolique de Tonton le souffleur qui monologue sans cesse - et avec des "mots" amers, poignants, mordants ou drôles . Du très bon Anouilh .
La verdeur du style cependant incite à en conserver la lecture aux jeunes de plus de 16 ans.
A vrai dire, cette oeuvre faite pour être jouée gagne à être vue d'abord et lue ensuite . [ " Plaisir de Lire " , numéro 21 , Noël 1972 ]