Une lecture originale !
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.----. Joakim Collet nous offre dans son nouveau livre Soldats de la Liberté ! une lecture originale de la guerre en Vendée, de 1793 à 1795, au travers de la correspondance privée de soldats et d’officiers subalternes des armées républicaines.
En la matière, on pense à François-Xavier Joliclerc, dont les lettres ont été publiées en 1905 avec une introduction et des notes de Frantz Funck-Bretano. Ce capitaine du 7e bataillon du Jura figure bien sûr dans le livre de Joakim Collet, puisqu’il fut envoyé à l’armée de l’Ouest en décembre 1793 et qu’il y servit pendant quelques mois. Il existe pourtant d’autres soldats, certes moins prolifiques dans leur correspondance privée, qui nous en apprennent tout autant sur leurs conditions de vie, leurs combats, et leur état d’esprit dans les troupes de la République.
« Ma chère mère, je vous écris le sac sur le dos et le fusil à la main… »
Joakim Collet a réuni une vingtaine de ces volontaires, gardes nationaux, soldats de la réquisition ou officiers subalternes venus de tous les coins de la France, de la Sarthe, de la Côte-d’Or, de l’Hérault, du Bas-Rhin, du Loiret, de la Saône-et-Loire, etc. Il faut les imaginer le soir au bivouac, après une bataille ou une journée de marche, rédigeant une lettre à leurs parents à la lueur du feu de camp. Ces écrits sur le vif nous livrent de nombreux renseignements sur leur vie en campagne. Ils témoignent d’abord bien souvent de sentiments filiaux affectueux, d’attachement à la famille et au pays natal dont on demande des nouvelles. Mais ces militaires épistolaires en viennent très vite au cœur de leurs préoccupations : la guerre.
Tous nous parlent de leurs affrontements avec les « Brigands », de leurs malheurs dans les déroutes, comme le sergent Leroy, du 4e bataillon des canonniers du Loiret, qui arrive à Fontenay juste avant que la ville tombe aux mains des Vendéens le 25 mai 1793 ; comme Carl Ritter, volontaire du 8e bataillon du Bas-Rhin, emporté dans la débâcle des Bleus à Vihiers le 18 juillet suivant ; ou plus tard comme Sinion, volontaire du 6e bataillon de la Côte-d’Or capturé à Fougères le 3 novembre, qui fut libéré trois jours plus tard contre la promesse de ne plus servir contre les Vendéens, et après avoir dû crier « Vive le Roy ! » Certains évoquent leurs compagnons d’armes tués dans les combats, blessés ou malades, et se désolent des misères de leur quotidien, la solde insuffisante, la piètre nourriture, le manque de souliers, les poux qui les dévorent. François Mireur, volontaire dans un bataillon de l’Hérault, s’en fait l’écho, sans toutefois manquer de défendre la cause qu’il sert : « Le soldat est misérable et excédé de service, toujours en course, toujours en garde ; mais il n'y a aucune privation qu'il ne soit prêt à supporter pour ramener le bonheur de la République ».
Soldats de la Liberte
Quelques anecdotes glissées çà et là nuancent les rapports entre ces soldats et les « Brigands » qu’ils ne rencontrent pas seulement sur les champs de bataille. Dans la débandade qui suivit la défaite des républicains à Chantonnay le 5 septembre 1793, le sergent Aignan Delarue, du 7e bataillon de la formation d’Orléans, raconte ainsi qu’il tomba sur l’un de ses rebelles, qu’il le menaça de son pistolet pour qu’il lui vendît ses habits. « Il me dit qu'il le voulait bien, rapporte Delarue. Aussitôt il se déshabilla, et j'ai mis ses vêtements sur moi (…) Je lui dis : Tiens ! voilà dix livres que je te donne, et mets-moi dans le chemin de La Roche, où est le camp des Sables. Il me dit : Mon ami, le voilà, et que Dieu vous conserve ! » Dans le même registre, on croise aussi le capitaine Henry Fay, du 4e bataillon de la Sarthe. Capturé au Mans le 10 décembre 1793, il s’échappa, rentra chez lui, y trouva un « Brigand » avec lequel il finit par souper.
« Nous brûlons tous de voir l’ennemi et de l’exterminer… »
L’origine géographique de ces lettres envoyées des Sables, de Cholet, de Nantes, de Luçon ou d’outre-Loire, et les dates auxquelles elles furent écrites permettent de couvrir quasiment toute la chronologie de la guerre, de l’insurrection de mars 1793 jusqu’aux traités de paix de 1795 : on passe des manœuvres de Boulard pour reprendre le contrôle de la côte en avril 1793, au temps des défaites républicaines de Thouars à Saumur, bientôt suivi par celui des victoires ; on accompagne la marche de l’armée de Mayence dans les courriers du caporal Broussais, puis la terrible répression qui s’abat sur la Vendée. Les mots se font plus durs encore pour décrire cette guerre impitoyable, comme ceux de René Chollet, grenadier au 4e bataillon de la Charente-Inférieure, qui confie ceci après avoir embrassé ses parents : « Je vous apprends que la guerre de la Vendée est bien avancée, nous avons tué tout homme, femme et enfant, et mis le feu partout, dans tous les endroits… »
Autant dire que cette correspondance livrée sans filtre de censure permet d’en apprendre beaucoup sur la personnalité de ces soldats républicains, sur leur quotidien bien souvent misérable, et sur la façon dont ils percevaient leur ennemi, ces fameux « Brigands » qui peuplent toutes leurs lettres. [ Publié le 5 mars 2021 par "Vendéens et chouans" ]