Appel de Dominique Morin, sidéen président de l'action chrétienne pour la prévention du Sida à tous les jeunes.
C'est un frère sidéen qui s'adresse à vous, au soir de sa vie, en ce premier jour du mois de juin 1995, mois dédié, dans la tradition de l'Église, au culte du Sacré-Coeur.
Voici que ma vie s'achève, à 35ans, douloureusement abrégée par ce fléau qu'est le sida. Je n'incrimine personne d'autre que moi, que cette volonté, longtemps affirmée comme un défi à la face de Dieu et de la société humaine, de vivre selon mes impulsions du moment, affranchi de toute contrainte morale, résolu à satisfaire à tout prix ma soif de jouissance. A tout prix, c'est-à-dire sans me préoccuper de l'offense faite à l'amour du Christ pour moi, ni de la déchéance de mon être spirituel et physique, temple, pourtant, de l'Esprit-Saint, ni des blessures profondes infligées à ceux et celles dont j'ai utilisé l'amitié ou la tendresse à des fins totalement égoïstes.
Nous autres, sidéens atteints par leur propre faute, nous pouvons être tentés de nous révolter, comme un des larrons du calvaire, et de rendre l'humanité entière responsable de notre sort. Mais comme le bon larron, il ne nous faut pas manquer notre mort. Je puise dans la grâce de ma conversion et dans la miséricorde infinie de Dieu la force de reconnaître en vérité le mal que j'ai fait, pour en demander pardon, et de vivre dans l'espérance cette attente du
moment prochain où mon Créateur "essuiera toutes larmes de mes yeux".
Mais j'ai mal, jusque dans ma chair, de voir où sont conduits des milliers d'entre vous, jeunes frères privés de lumière et trompés par des adultes pervertis : à la destruction progressive de toute possibilité de connaître les joies et le bonheur d'un véritable amour, à la corruption du coeur et de l'âme et, pour certains, à une mort affreuse dans la solitude, le désespoir et la haine. Non, le préservatif ne donne aucune certitude d'échapper à cet anéantissement de l'être. Chaque jour, des centaines de jeunes, incités au vagabondage sexuel par les mensonges d'une publicité criminelle, en font l'amère expérience. L'amour, le vrai, celui qui se construit dans la fidélité, ne peut assassiner. Ce sont les hommes qui le tuent, en le réduisant à un plaisir égoïste, éphémère, hasardeux et suicidaire.
Toi qui as l'avenir devant toi et veux bâtir sur du solide, dis oui à l'amour, à celui qui est vie et qui ne triche pas. Ne le brade pas à tout vent. Prend aujourd'hui l'engagement, devant Dieu et devant les hommes, de lui préparer ton coeur et de lui réserver ton corps.
J'offre mes souffrances et ma vie avec joie pour que tu en aies la volonté et que tu demeures fidèle à ta promesse. Prie pour moi.
Ton frère Dominique.