Le musicologue Alfred Einstein (Munich, 1880 - Californie, 1952) s'est signalé par sa magistrale étude des Madrigaux italiens, par son Mozart, par sa révision du Catalogue Köchel, par celle du Dictionnaire de musique de Riemann, par ses articles de la Berliner Tageblatt. Fuyant le régime hitlérien, il gagne Londres en 1933 et les Etats-Unis en 1939. On lui doit aussi une étude sur la musique romantique (traduction farnçaise, Gallimard, 1959. A la fin de sa vie, en 1951, il a publié ce Schubert à l'intention des fervents.
D'année en année, sans trop insister sur la biographie, Alfred Einstein s'attache aux ouvres révélatrices de la vie intérieure.
Son Schubert est un esprit indépendant, même vis-à-vis de Beethoven. C'est un être d'intimité, "seul au piano", qui ne cherche ni les jeux d'esprit ni les applaudissements. C'est un romantique, par sa joie sensuelle sur fond de tristesse, son rapport tout immédiat à la sonorité, sa palette de peintre du sentiment ; il lui arrive d'anticiper en toute précocité les trouvailles wagnériennes et modernes ; mais c'est un "classique du romantisme", chez qui le souci de poésie n'affaiblit jamais la musique.
N'étant "pas de ce monde", il crée pour s'en accommoder, mais la mort lui est une douce amie. Sans dissertations, ce livre fait naître maintes idées, souvent reprises dans les études schubertiennes depuis un quart de siècle. Bref, c'est un ouvrage classique.