Abandon des promesses et des fraternisations du 13 mai.
3/5 France Catholique.
.----. Poursuivant ses recherches dans les archives privées du général Salan, le professeur Valette survole le 2ème semestre de 1958 où Salan exerça les pouvoirs civils et militaires en Algérie, conformément aux pleins pouvoirs qui lui avaient été conférés par Pflimlin le 13 mai et confirmés par le général de Gaulle les 6 et 9 juin. Tenu pour un général républicain, militaire avant tout, expert en renseignement et ayant l’expérience de la guerre révolutionnaire en Indochine, le général Salan s’applique d’abord à intensifier la guerre contre la rébellion, conformément aux directives qu’il reçoit de Paris, et malgré l’insuffisance des effectifs militaires qui lui sont consentis.
Sur le plan politique, il est contrôlé par René Brouillet, nommé Secrétaire général aux Affaires algériennes, dont le directeur de cabinet est Bernard Tricot. Tous deux ont servi en Tunisie et connaissent mal les réalités algériennes. Tricot est même connu comme un partisan de l’indépendance. Quant au général de Gaulle, hostile à l’intégration, il n’admet pas qu’une politique lui soit imposée par Alger ; il désavoue en particulier les prises de position du Comité de salut public (CSP), qui le 3 juin a souhaité l’élimination des partis politiques, puis s’est opposé aux déclarations de la SFIO en faveur de la négociation. Le 14 octobre, de Gaulle impose que les militaires démissionnent des CSP.
Entre temps, le général Salan a contribué au succès du referendum du 26-27 septembre, marqué en Algérie par 96% de votes positifs. Mais il est conscient du fait qu’il s’agit d’un chèque en blanc à la personnalité du général de Gaulle, comportant l’interdiction de prendre parti pour une solution politique. Il écrit cependant au général de Gaulle en soulignant l’ambiance de fraternité qui a règné dans toute l’Algérie (lettre manuscrite).
Les élections législatives du 28 novembre confirment le succès total des partisans de l’intégration, alors que Paris aurait souhaité des candidats d’une troisième force.
Le Délégué général soutient activement le développement économique et social de l’Algérie, en particulier par des travaux d’intérêt local. Cependant il est tenu à l’écart du plan de Constantine, lancé le 1er décembre, dont il estime le financement insuffisant.
Le drame vécu par le général Salan est donc celui d’un échec annoncé. L’illusion, largement partagée par les milieux militaires et civils en Algérie, était que le général de Gaulle allait rallier les musulmans à l’intégration de l’Algérie dans la France, considérée comme une révolution sociale et humaine. On assiste en réalité à l’abandon des promesses et des fraternisations du 13 mai. [Maurice Faivre dans la " FranceCatholique " du jeudi 22 avril 2010 ]