Ses prêches !
5/5 Reconquête.
.----. Après ses biographies de divers auteurs, notre ami Benoît Le Roux se penche sur un « pays » à lui, saint Yves. Écartant toutes les légendes, les enjolivements et même les diverses traditions, il a voulu limiter son propos à ce que l’historien rigoureux peut savoir de la vie d’Yves Hélory, souvent appelé Dom Yves dans l’enquête de canonisation. Comme pour tant d’autres personnages même célèbres, cela se réduirait à presque rien si l’on n’avait, précisément, cette enquête de canonisation, menée en 1330, et publiée en 1884 par le grand historien breton Arthur de la Borderie qui en avait découvert une copie à la bibliothèque municipale de Saint-Brieuc. Les nombreux témoignages de gens qui avaient connu saint Yves, examinés et recoupés, permettent de brosser le portrait du prêtre et de relater un certain nombre de faits.
Il en ressort qu’après des études à Paris, à Orléans, puis de nouveau à Paris (où il a éventuellement pu suivre les cours de saint Thomas d’Aquin), il est devenu official à Rennes, puis à Tréguier, et l’on se souvient de lui beaucoup plus de lui comme avocat que de juge, défendant gratuitement les veuves, les orphelins, les pauvres, dont une fois contre une abbaye, et une fois contre un noble qui l’accueillait souvent dans son château…
Il fut aussi curé, d’abord de Trédrez. Benoît Le Roux souligne qu’il fut le premier curé de paroisse canonisé, et que par maints traits de sa vie il préfigure le saint curé d’Ars. Mais il se rendra surtout célèbre, en fait, par ses prêches. De diverses paroisses on l’appelait pour prêcher, et il prêcha jusqu’à Quimper. Il devient curé de Louannec, où le vicaire se plaint éventuellement qu’il n’y a plus rien à manger parce que le curé a tout donné aux pauvres. L’ancien official était alors vêtu de bure (sur un cilice) et couvert de poux…
Il fait le va et vient entre le presbytère de Louannec et sa demeure familiale de Kermartin, où il mourra. À Kermartin on voit des miséreux qui y ont table ouverte, et des clercs qui forment autour du saint « un véritable cercle d’étude et de prière », quasi monastique.
Le livre de Benoît Le Roux est distribué en 18 chapitres très brefs, suivis de six annexes, d’une bibliographie commentée, d’un index, et aussi d’un remarquable glossaire, qui explique de façon très claire les mots religieux utilisés dans le livre. C’est hélas devenu nécessaire en ce temps d’analphabétisme religieux, et ce glossaire doit être montré en exemple (de même que les quelques indications brèves mais précises qui décrivent tout le contexte historique de la vie de saint Yves).
Parmi les annexes, il y a les miracles retenus pour la canonisation, ou le fameux cantique breton à saint Yves. Il y a aussi la traduction française de l’inscription latine figurant sur la statue de saint Yves dans la cathédrale de Tréguier. « Quand tu juges, sois pour les orphelins indulgent comme un père, et viens en aide à la mère de ces orphelins comme un mari. » Il s’agit d’une citation de l’Ecclésiastique, qui s’applique bien en effet à saint Yves. À cause, nous dit Benoît Le Roux, d’une erreur de saint Jérôme, car dans la « Bible juive » la première proposition fait partie du verset précédent. Mais l’Ecclésiastique ne fait pas partie de la Bible juive. C’est même pourquoi nous n’en avons pas de texte hébreu, mais seulement la traduction grecque réalisée par le petit-fils de l’auteur; quant à la traduction latine du texte grec, elle n’est pas de saint Jérôme, qui ne considérait pas non plus ce texte comme canonique. Il n’y a donc pas d’erreur de saint Jérôme. Mais ce n’est certes pas cette imprécision qui peut jeter une ombre quelconque sur le travail si précis et méticuleux de Benoît Le Roux. [ Yves Daoudal dans :Reconquête, n° 290, août-septembre 2012 ]
Goutte-à-goutte divin de la grâce.
5/5 Lecture et Tradition .
.----. Dans ce livre sobre, équilibré, l'auteur, au long de dix huit courts chapitres, étudie la personnalité de saint Yves dont la popularité n'a jamais faibli depuis le XIIIe siècle.
Saint Yves meurt le 19 mai 1303 (sa fête est toujours célébrée le 19 mai et si l'on a la chance de se trouver à Tréguier le dimanche le plus proche de cette date, on peut admirer la procession des membres de la basoche, en toge, se rendant de Minihy à la cathédrale Saint-Tugdual). À partir de 1309, la cour pontificale siège en Avignon, ce qui a eu l'avantage de hâter le procès en canonisation. L'enquête lancée en 1330 par Jean XXII aboutit à la bulle de canonisation signée le 19 mai 1347 par Clément VI. Une copie des minutes de ce procès a été retrouvée au XIXe siècle à la bibliothèque de Saint-Brieuc : « C'est ce qui nous a poussé à publier ce modeste essai. Nous avons des témoins. Ils permettent d'esquisser les contours d'une vie et d'un personnage. Ils incitent à rechercher, derrière les légendes accumulées depuis sa mort, le vrai saint Yves » (page 13).
À partir de ce document, Benoît Le Roux retrace la vie de saint Yves : la naissance près de Tréguier puis les études à Paris et Orléans, les années d'official (juge ecclésiastique) à Rennes où il continue d'étudier l'Écriture et décide de laisser les habits de sa charge pour la robe de bure. Ensuite, nommé à Tréguier comme official et curé de Tredez, il va exercer un ministère particulièrement fructueux ; il fera de la maison de famille un genre d'hospice et sa charité devenue légendaire rayonnera. Actif ou contemplatif ? (titre du chapitre XV) « L'un ne va pas sans l'autre, évidemment. Mais il y a eu des alternances, au cours de sa vie : l'étude sinon la prière, domine dans sa jeunesse (1262-1280) ; la prédication, le soin des pauvres et les visites aux malades, s'ajoutant à ses fonctions de curé et d'official, occupent une place énorme entre 1284 et 1298 ; dans les cinq dernières années la part de la contemplation paraît l'emporter,… » (page 80).
Ce livre court mais complet peut vraiment être proposé à un public très large : il n'y a pas de mot inutile, la présentation d'une grande clarté rend la lecture aisée même pour un enfant d'une douzaine d'années ; les annexes toutes très intéressantes complètent agréablement l'ensemble sans alourdir le corps du livre ; de plus une note d'orthographe et d'étymologie placée au début évite les malentendus sur le sujet.
Une bibliographie commentée, des index des noms ainsi qu'un glossaire des termes religieux complètent l'ensemble.
Nous terminerons par une prière citée page 92 et tirée de la messe de saint Yves du diocèse d'Angoulême :
Sancte Yvo solatium / Divinum stiffiddium / Nobis procura gratine
« Saint Yves, notre réconfort, verse en nous peu à peu la grâce de Dieu » (« mot à mot : procure-nous le goutte-à-goutte divin de la grâce »). [ Juliette Colange dans Lecture et Tradition, numéro 22-Nouvelle Série - février 2013 ]. ( Vous trouverez sur ce site tous les numéros parus, épuisés ou non de notre revue )