Un saint de l'an 1000 .
5/5 Présent .
.----. Que peut nous apporter la lecture de la vie d'un saint de l'an mil ? Prenons celle de saint Gautier (1030-1099, canonisé en 1153), brillant intellectuel entré par humilité au monastère de Rebais, dans le diocèse de Meaux, suivant la règle particulièrement ardue de saint Colomban avant d'être choisi (bien malgré lui) comme premier abbé par les moines de l'abbaye de Pontoise.
Gautier vit une période agitée de la vie de l'Eglise. Le pape Grégoire VII donne l'impulsion d'une réforme luttant contre la simonie (vente des "biens du Saint Esprit") et le concubinage des prêtres, réforme qui suscite une forte opposition. Mais Gautier défend les positions du Saint Père durant un synode se déroulant à Paris autour de l'année 1092. Y risquant même sa vie, il ne craint pas de s'engager pour la vérité, présentant même ensuite des remontrances au roi Philippe Ier.
Le cardinal Brandmüller, auteur de ce petit livre plein d'enseignements, a travaillé en historien à partir de deux biographies écrites juste après la mort de Gautier, ainsi que des archives du monastère. Il met en valeur l'amabilité du saint - qui savait s'adresser aux gens simples comme aux savants - alliée à une grande force de caractère, mais ne cache pas son tempérament fougueux, parfois colérique, contre lequel il aura à lutter sa vie durant.
Un soufflet de la Vierge
On rencontre dans le récit de cette vie des épisodes savoureux, comme celui d'une apparition de la Vierge ordonnant à Gautier de fonder un monastère de moniales. L'abbé doute finalement de cette apparition… La Vierge serait alors revenue le visiter et, pour bien se faire comprendre, lui aurait lancé un soufflet dont il aurait gardé la marque longtemps sur la joue. Pieuse invention ? Humour médiéval ? Souvenons-nous que le soufflet était, à l'époque, utilisé pour conclure certains contrats.
L'auteur met en perspective les événements qu'il relate et les replace avec finesse dans le contexte de l'époque. Il sait également en tirer les enseignements pour nous, acteurs du IIIe millénaire, établissant par exemple un parallèle entre la réforme grégorienne et celle proposée par Benoît XVI pour la rénovation de l'Eglise catholique. Gautier, à la suite du pape, a su s'opposer aux puissants de son époque. A nous de nous opposer "aux représentants et avant-gardes politiques d'une mentalité contemporaine contraire à Dieu et donc inhumaine".
[ Anne Le Pape dans : Présent, n°8941, samedi 9 septembre 2017 ]