Fondamental
5/5 AFS, n°249, février 2017
Beaucoup de familles françaises sont redevables aux Dominicaines du Saint-Nom-de-Jésus, à Fanjeaux, de l'excellent enseignement prodigué à leurs filles.
L'année 2016 a fêté le jubilé des 800 ans de l'ordre de St Dominique. La Congrégation des Dominicaines du Saint-Nom-de-Jésus est née à Toulouse en 1800. Le but du fondateur était, d'une part, de proposer une éducation chrétienne aux jeunes filles à qui la société de l'époque n'offrait pas la possibilité de faire des études et, d'autre part, de créer des écoles gratuites pour les enfants pauvres.
Comme beaucoup de congrégations religieuses, les dominicaines ne pouvaient pas traverser un temps "d'ébranlement de l'Église" sans dommages. Ce nouvel ouvrage de Mère Alice-Marie, dominicaine enseignante de Fanjeaux, fait suite à son Histoire de la Congrégation du Saint-Nom-de-Jésus de Toulouse, de 1800 à 1953.
L'année 1953 marque le début d'une réforme qui aboutira à une crise interne.
Était-il plus qualifié que le professeur Jean de Viguerie, historien, pour préfacer le livre, ses travaux portant notamment sur l'histoire de l'éducation et de l'Église ? Il en souligne la force par la valeur d'une documentation élaborée à partir des archives épiscopales et des nombreuses notes de Mère Anne-Marie Simoulin, personnalité pivot de cette période. Il ne manque pas de souligner en quoi l'ouvrage présente l'image d'une époque et d'un combat qu'il reflète parfaitement.
De révisions de constitutions...
Nommée prieure générale en 1948, Mère Hélène Jamet sollicita la nomination du père Calme! en tant que conseiller auprès de la congrégation. Né en 1914, prêtre de l'Ordre des Frères prêcheurs, il a été inhumé le 5 mai 1975 en la fête du pape dominicain saint Pie V, chez les Dominicaines enseignantes de Saint-Pré du Cœur Immaculé, à Brignoles. Le P. Calmel était une grande âme, dans un corps faible et souvent malade, un religieux doué d'une véritable noblesse sacerdotale, d'une sagesse profondément thomiste, c'est-à-dire réaliste et mystique, et d'une lucidité prophétique.
C'est avec lui que la Mère Générale élabora la réforme des constitutions, selon le vœu qu'avait formulé Pie XII. Ce qui prit fin en 1953.
Qui dit réforme, dans la tradition de l'Église, dit ressaisissement, retour à des exigences plus fortes, recentrage sur la Règle voulue par le fondateur. Quelques années après, Rome demanda de modifier les constitutions, cette fois, dans un sens plus "ouvert au monde". C'est par voie de consultation tous azimuts que doivent être expérimentées les valeurs qui feront l'armature des constitutions.
L'idéologie démocratique a soufflé sur Rome. C'est l'époque où la Mère supérieure, qui avait opéré la réforme sur les conseils du père Calmel, prend la décision de ne pas se représenter pour le chapitre général de 1954. La nouvelle supérieure poursuivit l’œuvre dans le même sens.
Le changement dans l'Église se fit sentir dès le début du concile Vatican II (1962¬65). Jean XXIII parlait déjà de miséricorde, refusant ainsi d'émettre quelque condamnation que ce soit, en particulier du communisme, pourtant qualifié d'« intrinsèquement pervers » par ses prédécesseurs.
... en bouleversements,
En 1961, lors du renouvellement du mandat de la Mère supérieure, Mère Marie-Angélique, Rome intervint pour proposer Mère Marie Rose Tassy. Le délégué du Saint-Siège, Mgr Garrone, recueillit avant dépouillement tous les bulletins de vote. Peu de temps après, Rome annonçait le nom de l'élue, à la surprise des votantes, qui ne se rappelaient pas s'être prononcées pour Mère Marie-Rose Tassy !
La nouvelle supérieure devait être plus souple pour engager les réformes voulues par le Vatican. L'année 1965 voit les premiers changements introduits dans la messe : langue vernaculaire, premières modifications liturgiques. Puis on "allégea" l'habit, on se «libérait de pratiques désuètes ». C'est à contrecœur que la supérieure accepta ces changements.
En 1967, les votes des capitulaires désignèrent mère Anne-Marie Simoulin, qui combattit immédiatement les dérives de l'Église conciliaire.
Une anecdote navrante, quoique savoureuse, illustre la démission des évêques, ayant abandonné leur pouvoir au profit des commissions, bureaux et autres experts.
La supérieure tentait d'expliquer à Mgr Guyot, évêque de Toulouse, sa décision de refuser la mise en oeuvre du « fonds commun obligatoire » imposé par la techno-bureaucratie ecclésiale pour l'enseignement du catéchisme. Ce qui lui valut cette remarque :
- Une petite Mère générale d'une petite congrégation (sic) croit en savoir plus que tous les cardinaux et évêques qui ont donné leur accord au catéchisme ! Connaissez-vous le péché d'orgueil ?
- Mais, Monseigneur, l'avez-vous lu ?
- Non !
- Il existe aussi un péché de paresse...
D'autres batailles s'ensuivirent. Celle de la messe, à partir de 1969, pendant que s'ouvraient les fronts de l'enseignement de l'histoire de l'Église, de la doctrine chrétienne et ...de la tenue vestimentaire des jeunes filles...
...jusqu'à la rupture.
La dernière partie du livre détaille les démêlés avec Rome, qui n'a pas le beau rôle. Cela conduisit à la déposition de la Mère et son remplacement par mère Marie-Rose Tassy, plus liée à Mgr Guyot.
En juillet 1975, cinq mères se regroupent à Fanjeaux. La rupture est consommée ; les causes en sont expliquées en une trentaine de pages et une annexe donne les justifications de jure et de facto. La conclusion, en quelques lignes, démontre que les sœurs appartiennent toujours à l'institut religieux de la Congrégation des sœurs dominicaines enseignantes du Saint-Nom-de-Jésus de Toulouse.
Un périodique du Languedoc-Roussillon, l'hebdomadaire Sud, publiait en 1997 un article sous le titre Fanjeaux : les troupiers de Dieu, avec un sous-titre parlant de La Vendée Lauragaise.
Mère Simoulin meurt le 16 juin 2015, veillée par 200 sœurs ! La congrégation a bien essaimé depuis les cinq sœurs de 1975 !
Ce livre fourmille de détails sur cette période difficile de l'histoire de l'Église qui n'en finit pas.
<p align="right">JdS <a href= http://afs.viabloga.com/ target=_blank>afs.viabloga.com</a>/
Passionnant
5/5 Famille d'abord, n°31, décembre 2016
Difficile de commenter ce passionnant ouvrage après l'élogieuse préface que Jean de Viguerie lui a consacrée ! Chers lecteurs, lisez l'histoire de la congrégation du Saint-Nom-de-Jésus de Fanjeaux dans les années 1948¬1975.
Plus qu'un livre d'histoire réservé aux érudits et spécialistes des congrégations religieuses, « Rupture ou fidélité » est un drame : celui de l'Eglise, celui d'une congrégation, le nôtre également puisque cette fidélité à l'enseignement bimillénaire de l'Eglise passe aujourd'hui encore par une certaine rupture.
« Rupture ou fidélité » c'est aussi une formidable leçon de courage, de ténacité, mais également de lucidité et d'esprit de décision. Nous avons tout particulièrement aimé les portraits des deux Mères générales : Mère Hélène Jamet et Mère Anne-Marie Simoulin.
La première pour son aptitude à comprendre très vite la nécessité de se réformer et de donner une nouvelle impulsion salvatrice à sa congrégation, en dépit des obstacles, dans les années 50 ; la deuxième pour sa clairvoyance dans la crise de l'Eglise et ses choix courageux dont nous voyons aujourd'hui les fruits si abondants.
Comment ne pas penser en lisant cette page d'histoire à sainte Catherine de Sienne, dominicaine et docteur de l'Eglise, faisant l'éloge des vertus viriles ? « Père, debout virilement » écrivait-elle au pape Grégoire Xl. « Debout virilement », tel est en substance le message de Mère Anne-Marie à ses soeurs, à ses élèves et... à leurs parents !
Bonne lecture !
Histoire d'une passion
5/5 DICI, n°341, septembre 2016
Les éditions Clovis viennent de publier le second ouvrage de Soeur Alice-Marie, dominicaine enseignante, où elle raconte l'histoire et les tribulations de la congrégation des religieuses du Saint-Nom-de-Jésus dans la tourmente conciliaire.
Le professeur Jean de Viguerie décrit le livre comme « une contribution majeure à l'histoire contemporaine de l'Eglise ». Nous citons ici quelques extraits de la présentation qu'en fait l'historien dans sa préface.
L'auteur divise la période en trois temps qui sont ses trois parties. La première est intitulée les nouvelles constitutions'. La Congrégation opère sa réforme. Les anciennes constitutions avaient été approuvées en 1873. A cette date, la moitié des Français faisaient encore leurs Pâques. En 1950, un quart seulement. La Congrégation se réforme en 1953 en vue d'un apostolat plus vigoureux et d'un enseignement plus chrétien. La supérieure générale, mère Hélène Jamet, dirige les opérations. Le père Calmel, dominicain, est son conseiller approuvé par le Saint-Siège. (...) Cependant les difficultés commencent : quinze soeurs font opposition et, le Saint-Nom étant de droit pontifical, recourent à Rome.
La Sacrée Congrégation des religieux ajourne le chapitre général prévu en juin 1954 et ajoute à la formule des voeux la promesse d'observer la règle de saint Augustin. Rien de grave mais ce n'est pas tout : il est mis fin au ministère du père Calmel auprès de la Congrégation. Aucun reproche ne lui est adressé, mais on estime son départ nécessaire pour la 'paix' intérieure. En fait, ce départ au moment où commence la crise conciliaire est une cause d'affaiblissement.
« La deuxième partie du livre est intitulée "La Congrégation de 1954 à 1971: dans la tourmente conciliaire". L'ère des tribulations a commencé. Le décret de Paul VI, Perfect Caritatis (1965), et l'obligation faite à l'Eglise entière d'un aggiornamento engendrent des perturbations incalculables. Le décret Perfectae Caritatis impose à tous les instituts religieux de revoir leurs constitutions afin de rénover leur vie religieuse. (...) L'élection au généralat de mère
Anne-Marie Simoulin (1967) met fin à cette remise en question. (...)
Elle engage tout de suite la défense. Elle se bat pour les constitutions de 1953. Elle se bat pour garder la messe de saint Pie V. Elle se bat contre le fonds obligatoire (le nouveau catéchisme). (...) Cependant, le combat est trop inégal, et la tension est telle qu'elle aboutit à la rupture. C'est le titre de la troisième partie : "Des tensions à la rupture" (1971-1974). ( • • • ) « Tout a été vérifié. Il n'y a dans ce livre rien qui ne soit prouvé. Fauteur a rassemblé une documentation considérable. Elle ne s'est pas contentée des archives de sa Congrégation. Elle a aussi consulté celles des évêchés. Cependant, sa source principale est le fonds Simoulin. La mère Anne-Marie avait archivé tout son courrier, recopié elle-même ses propres lettres.
Retirée à la maison de Romagne, elle voyait tous les jours la soeur Alice-Marie et travaillait avec elle à la reconstitution de cette histoire. Aux documents écrits, elle ajoutait ses souvenirs personnels. (...) Nous avons ici pour la première fois le récit contenu et détaillé d'un quart de siècle de persécutions infligées à un institut religieux. Dans l'historiographie de l'Église, l'ouvrage fera date. "Il fera date par les très nombreux faits qu'il rapporte, mais aussi par les textes produits, textes officiels des autorités et lettres ouvertes ou provées. Pour la plupart de ces documents, l'auteur a jugé nécessaire de les insérer entièrement dans son texte. Les autres sont donnés en annexe. Tous sont à lire de la première à la dernière ligne.
L'ensemble forme un recueil sans égal, illustrant le courage des Soeurs et la cruauté ou l'hypocrisie des persécuteurs."