Jean-Luc persécuté
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.----. La version de ce roman de Charles Ferdinand Ramuz, publiée aux éditions Zoé est celle de 1908. Celle publiée en 2006 dans la Bibliothèque de La Pléiade est la dernière, éditée chez Grasset en 1930, et est l'aboutissement de plusieurs remaniements.
L'intérêt de cette version - c'est son troisième roman - est qu'elle révèle déjà les préoccupations du jeune Ramuz - il n'a encore que vingt-sept ans - que l'on retrouve peu ou prou dans les romans ultérieurs et notamment son attirance pour l'existence à l'état brut.
Car le récit se déroule dans un petit village du Valais et ses environs proches, c'est-à-dire dans un microcosme où tout le monde se connaît et où les rumeurs, vraies ou fausses, vont bon train, si bien que moqueries et louanges s'y trouvent sans cesse mêlées.
Cette ambivalence se retrouve dans le personnage même de Jean-Luc Robille, qui est à la fois victime et bourreau, beau et laid, doux et brutal, admirateur et jaloux, plein de bon sens mais, quand son coeur est blessé, empreint à de véritables accès de folie.
Dans ce décor qui est rude et où les choses essentielles deviennent palpables, il y a surtout une histoire d'amour déçu. Entre Christine et Jean-Luc tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'au jour où la jolie mère de son petit Henri le trompe.
Les malheurs se succèdent dès lors. Certes Christine en est la première responsable, ayant sans doute toujours préféré son amant Augustin à son mari, bien avant leur hymen, mais celui-ci surréagit à chaque fois, ce qui n'est guère propice aux réconciliations.
Jean-Luc persécuté ? Oui, puisque le sort semble s'acharner sur lui. Non, parce qu'il y est bien pour quelque chose. Aussi le lecteur est-il pris entre la compassion et la réprobation à l'égard de ce personnage tragique, qui apparaît tantôt lumineux et tantôt sombre.
[ Signé : Francis Richard , Le blog de Francis Richard ; "Semper longius in officium et ardorem" le 10 avril 2022 ]