Notice sur "Leurs Figures ".
5/5 Plaisir de Lire .
.----. Après "Les déracinés" et "L'appel au soldat", "Leurs figures" constitue la dernière partie de la fresque intitulée "Le roman de l'énergie nationale" où Maurice Barrès a entrepris de peindre la vie politique en France, de 1880 à 1892 .
A travers le héros François Sturel, on retrouve la fougue de Barrès résolu à venger le général Boulanger dont il a été un partisan . D'un seul trait, il raconte les péripéties, les drames du scandale de Panama et ne cache pas sa rage de n'avoir pas pu abattre les parlementaires impliqués dans l'affaire .
"Leurs figures" c'est un jeu de massacre . C'est un défilé de têtes connues, sous un éclairage impitoyable .
Jugez-en : plus de 110 parlementaires de la IIIe république mis en cause, le Ministre des finances, le président de la Chambre des députés, Clémenceau lui-même . Tous pris au piège des papiers indiscrets, des talons de chèques en l'occurrence, de deux grands aventuriers de la finance : un certain de Reinach que fait chanter un congénère Cornelius Herz .
Dans un souffle puissant, Barrès nous raconte cette histoire du scandale le plus retentissant . Les démêlés des parlementaires, des journalistes, des magistrats et de la police sont assortis de rebondissements incessants dignes du meilleur scénario à suspense .
Ces jeux cruels de la peur et des compromissions ne sont pas sans éveiller la tentation des comparaisons avec des événements plus récents ou actuels . Le vice du suffrage universel, l'inanité des combinaisons des partis sont dénoncés avec une telle précision qu'ils constituent mieux qu'un pamphlet : un réquisitoire contre une politique fondée sur autre chose que le droit et la morale .
Le style de l'ouvrage ne manque pas de l'emphase chère à l'époque mais contribue à l'évocation du temps comme un document .
POUR QUI CE LIVRE ? : pour garçons passionnés d'histoire et de politique . A partir de 17 ans . [ " Plaisir de Lire " , numéro 22 , Pâques 1973 ]
Un vrai plaisir !
5/5 Présent .
.----. Lire Barrès est un vrai plaisir. C'est superbement écrit, émouvant et intéressant. C'est également un exercice salutaire, une cure d'altitude qui paradoxalement remet les pieds sur terre. En ces temps de disgrâce mondialisée, délocalisée, désincarnée, nous sommes soumis à une propagande massive, et le christianisme n'échappe hélas pas toujours à cette tentation de l'universel abstrait. Barrès nous remet les yeux en face des trous, nous rappelant qu'on n'a jamais vu de chrétiens tout court, seulement des Français, des Italiens ou des Russes chrétiens. [ Signé Marcel Gaillard dans " La chronique de Livr'arbitres " de " Présent ", numéro 9217 du 13 octobre 2018 ]
Notice sur " Les Déracinés ".
3/5 Plaisir de Lire .
.----. En 1897, M. Barrès, en pendant au CULTE DU MOI , décide de réaliser un cycle nationaliste "dont le centre serait constitué par une trilogie romanesque, "le roman de l'énergie nationale" dont les Déracinés seraient le premier volet . Cet ouvrage psychologique est le seul qui mérite vraiment , à travers toute l'oeuvre de Barrès, le titre de roman .
Extirpés de leur Lorraine natale par les bons soins d'un professeur nourri des ferments de la république laïque et prêt à se jeter dans les dédales de la politique parlementaire, sept jeunes gens sont lancés dans la vie estudiantine parisienne .
Les réactions de ces déracinés sont diverses : l'un, imbu de conceptions philosophiques, arrive à s'en sortir ; l'autre profite et vit aux dépens de ceux qui l'entourent : le troisième, objet de recommandations, continue son petit bonhomme de chemin tandis que le suivant cherche avant tout à s'en sortir quitte à tomber dans l'adultère le plus cru et le plus sordide . Le seul qui puisse apporter quelques notions fondamentales d'ordre et de morale, pas toujours conformes d'ailleurs à la doctrine traditionnelle, est totalement rejeté de la société dans laquelle il a vécu . Une descente aux enfers, dans la pourriture la plus suspecte et la plus repoussante qui soit, est en quelque sorte le mot d'ordre de cet ouvrage .
Pourtant, alors qu'un instant, l'horizon semble s'éclaircir, que Racadot a réussi à rançonner l'héritage maternel et se lance à corps perdu dans l'édition d'un journal, la fumée se retourne à nouveau ; c'est alors le désespoir, le crime, la décadence ...
Un monde dépravé, des enfants alimentés par les fruits du mensonge et de l'erreur, la corruption des bas-fonds de la société du XIXème siècle, voici les conclusions trop souvent réalistes, mais pas toujours bonnes à exposer, que Barrès put tirer de l'observation de cette collectivité dégénérée à laquelle il se heurtait sans cesse .
Que faire de cet ouvrage sinon s'en servir en cas de nécessité comme documentaire sur l'époque . [ " Plaisir de Lire " , numéro 77 , Automne 1987 ]
Notice sur " Le culte du Moi" .
2/5 Plaisir de Lire .
.----. L'âme humaine est si belle, si complexe et si profonde que Maurice Barrès a voulu la disséquer, la comprendre . Ses références ; l'Imitation de Jésus-Christ et les exercices spirituels de Saint Ignace . Et pourtant Barrès n'a rien d'un catholique, ni même d'un chrétien. Pour lui, le Christ ne fût qu'un être exceptionnel, doué d'une grande perception de son moi et d'une puissance extrême sur le moi des autres .
"Le moi, en effet, est la seule réalité à laquelle, dit-il nous puissions nous rattacher" . Notre moi n'est pas immuable . Il nous faut le défendre chaque jour et le créer" . Le seul but de notre vie sera la satisfaction de notre moi . Nous avons été créés pour analyser nos sensations et pour en ressentir le plus grand nombre possible qui soient exaltées et subtiles." Ou encore : "En ce monde, mon souci se limite à découvrir l'univers qui est en moi et à le cultiver ? Qu'avais-je à me préoccuper de mes actes ?
De plus, M. Barrès analyse l'âme comme une réalité évoluant sans cesse, mourant et se réincarnant toujours : "Je ne suis qu'un instant du long développement de mon être". Adepte de la métempsychose, il ne se sert pas l'Imitation et des Exercices que comme des méthodes et il affirme n'y pas adhérer . (p. 15-16)
Enfin M. Barrès ne cache pas son but : "Ces monographies sont un enseignement . Jamais, je ne me suis soustrait à l'ambition qu'a exprimée un poète étranger . "Toute grande poésie est un enseignement . Je veux que l'on me considère comme un maître ou rien" .
Donc l'auteur du Culte du Moi fait une analyse profonde, minutieuse mais fausse de l'âme humaine . On trouve dans l'ouvrage beaucoup de jugements erronés sur la religion, le catholicisme et principalement sur la vie monacale . Ne reconnaissant aucune morale, rejetant la vie en société, il ne prouve que le culte du moi, l'égotisme : le reste n'étant que Barbare . [ " Plaisir de Lire " , numéro 75 , Pâques 1987 ]