Couronné par un succès précoce, s'affichant volontiers désinvolte et insolent, Roger Nimier (1925-1962) n'en était pas moins un grand érudit, éditeur et critique de premier plan - un superbe romancier aussi, et un ami loyal. Masculin singulier par son allure, pluriel par ses dons, il n'aura cessé de susciter des réactions contradictoires, entre l'admiration affectueuse des uns, la réprobation grincheuse des autres.
Tandis que se forgeait autour de lui une légende l'érigeant en "demi-dieu de la mythologie non conformiste", parachevée par sa mort prématurée au volant d'une Aston Martin au coeur d'une nuit de septembre. C'est en grande partie elle, la légende, qui assure aujourd'hui dans l'actualité littéraire la présence d'un Roger Nimier qui, par ailleurs, "n'est plus notre contemporain". Il "n'exhale guère l'air du temps.
Inactuel ? Intempestif ? S'il a, auprès de quelques-uns, une influence, elle est contre ce temps et, on peut en rêver, au profit de l'avenir..." Il semble que le personnage ait éclipsé l'écrivain - et, peut-être, l'homme. Se tenant à distance de l'hagiographe comme de l'instructeur à charge, de l'admirateur indéfectible comme du chercheur tatillon, Alain Cresciucci retrace la fulgurante carrière du jeune auteur audacieux et brillant, et brosse un portrait lucide de celui qui, prenant à contre-pied une époque de soubresauts politiques et de tyrannie intellectuelle, s'est imposé à la tête de la frange réfractaire d'une "génération heureuse qui aura eu vingt ans pour la fin du monde civilisé".
D'un ton vif et délié, Alain Cresciucci clôt ici sa "trilogie hussarde" initiée aux éditions Pierre-Guillaume de Roux par Jacques Laurent à l'oeuvre. Itinéraire d'un enfant du siècle (2014) et dont Le Monde (imaginaire) d'Antoine Blondin (2016) constitue le second volet.