L'anti Martin Peltier .
5/5 Délit d'images .
.----. Auteur notamment de L’Amérique que j’aime : Un dictionnaire sentimental du Nouveau Monde (Éditions de Paris, 2004) et de L’Amérique au cœur, au cœur de l’Amérique (Atelier Fol’Fer, 2010), Alain Sanders peut être considéré comme l’anti-Martin Peltier dont nous commentions récemment les 20 raisons d’être anti-américain (1). Mais il a aussi écrit La Désinformation autour de la guerre de Sécession (Atelier Fol’Fer, 2012) et le portrait qu’il publie aujourd’hui du général Lee complète et en partie explique l’essai ravageur de Martin Peltier. Rien de plus étranger en effet à l’Amérique de Lehman Brothers et des Bush père et fils, de Michael (dit Martin Luther) King et des Clinton, de l’Anti-Defamation League et de l’apatride Obama que Robert E. Lee : un « gentleman de Virginie » appartenant à la très aristocratique Eglise épiscopalienne, branche américaine de l’anglicanisme qui ne reniait rien de ses ancêtres arrivés sous les Stuarts ni de ses racines profondément européennes. Un gentilhomme, écrit son biographe, « dans la lignée des Cavaliers de Charles 1er opposés aux Têtes rondes du dictateur Cromwell ».
Deux sociétés inconciliables
Un antagonisme séculaire, autant idéologique qu’épidermique, culminera pendant la guerre de Sécession que les Américains nomment Civil War, expression qui exprime mieux son incroyable sauvagerie — essentiellement du côté yankee, bien décidé à vitrifier et à éradiquer l’adversaire et sa Weltanschauung. Comme le notait Dominique Venner dans l’un de ses plus beaux livres, Le Blanc Soleil des vaincus (La Table ronde, 1975), « cette guerre n’a pas seulement opposé deux nations mais deux sociétés, deux conceptions du monde inconciliables ». Pour que triomphe la société marchande et cosmopolite du Nord, poursuit Venner, était primordiale « la disparition de la société du Sud, de son bonheur serein et de son élégante beauté », trop européenne, voire Ancien Régime.
Déjà, une guerre du XXè siècle
Dans des chapitres clairs, Alain Sanders expose la genèse du conflit qui est en fait une tentative d’invasion et d’asservissement sous le prétexte de l’abolition d’un esclavage d’ailleurs déjà moribond et auquel Lee était personnellement opposé. Après les victoires initiales – Fort Sumter, Cheat Mountain, First Manassas, Fredriksburg, Chancellorsville…) – d’un Sud qui avait donné à la jeune République des Etats-Unis l’essentiel de son encadrement militaire, l’armée confédérée, affamée et privée de tout n’est plus qu’une « armée de gueux » comme le constate Lee avec désespoir. A partir de Gettysburg (juillet 1863), c’est donc la contre-offensive du Nord, fort d’un réservoir humain incommensurablement supérieur, de ressources financières illimitées… et de généraux comme Grant et Sherman n’hésitant pas à massacrer les populations civiles ennemies ou à les prendre en otages. Préfiguration de ce qui se généralisera au siècle suivant.
Qu’écrit en effet le général nordiste (et futur président des Etats-Unis) Ulysses Grant le 11 avril 1863 en évoquant la nécessité de « la mise du Sud sous le joug » ? « C’est notre devoir d’affaiblir l’ennemi en détruisant tous ses moyens de subsistance, en le privant de tous les moyens de cultiver ses champs. » Et Sherman, qui estime que « le gouvernement des Etats a absolument tous les droits […], droit de prendre leurs vies, leurs maisons et leurs terres, absolument tout », de surenchérir le 21 juin 1864 : « Il y a toute une classe de Sudistes, hommes, femmes, enfants, qui doivent être tués et déportés avant que l’on puisse espérer rétablir l’ordre et la paix. » Programme auquel le secrétaire à la Guerre Stanton donne par retour de courrier « toute [s]on approbation », cependant qu’un officier nordiste se vante d’avoir « brûlé tout ce qu’il a trouvé » en territoire sudiste, « jusqu’au moindre grain de maïs ».
« Formater une Amérique homogène »
Sanders a raison de se référer à ce propos à la « barbarie des Têtes rondes de Cromwell » nourries d’une lecture littérale de l’Ancien Testament, où les Hébreux exterminent sans états d’âme les Cananéens et autres peuples dont ils guignent le territoire. Mais s’y ajoute, et l’on rejoint là Martin Peltier, la « bonne conscience » qui fait des Américains du Nord un autre peuple élu et de leur pays l’Empire du Bien, tout désigné pour rééduquer les autres. Un projet mis en œuvre dès 1862 quand à la Nouvelle-Orléans, relate Sanders, « le général Butler (alias “La Bête”) s’appliqua à détruire systématiquement le système éducatif local pour lui substituer un modèle nordiste » avec des enseignants importés du Nord et l’autodafé des ouvrages scolaires sudistes. L’entreprise de lobotomisation donna évidemment toute sa mesure après la défaite confédérée, pendant la période atroce appelée par antiphrase la Reconstruction et que Sanders traite dans un chapitre poignant intitulé « Le Sud à genoux ».
La Civil War ayant été d’abord selon ses vainqueurs « la guerre de l’éducation et du patriotisme contre l’ignorance et la barbarie », un décret fut pris en 1870 visant à « éradiquer l’éducation catholique et religieuse pour formater une Amérique homogène à partir du modèle évangélique de Nouvelle-Angleterre » – elle-même « formatée » par les Puritains fanatiques ayant fui la trop « Merry England ».
Ruiné, malade, désespéré, Robert Lee accepta après la défaite de diriger le Washington College, lui qui avait été le directeur de West Point. Il mourut en 1870. Il faudra attendre plus d’un siècle pour que le maudit – auquel nul n’avait pu imputer le moindre crime de guerre, certains chefs nordistes ayant même salué son humanité envers leurs soldats faits prisonniers –soit enfin restauré en 1975 dans l’ensemble de ses droits ainsi que dans sa citoyenneté américaine.
<BR<
Camille Galic – Polémia
Alain Sanders : Robert E. Lee, éditions Pardès, septembre 2015, collection « Qui suis-je ? », 128 pages richement illustrées avec Chronologie, Annexes et, hélas, l’inévitable « étude astrologique » clôturant chaque volume de la collection, qu’elle décrébilise.
Note :
(1) 20 raisons d’être anti-américain de Martin Peltier .
Esclavagiste ? ? ?.
5/5 Les 4 Vérités Hebdo .
.----. La collection « Qui suis-je ? » des éditions Pardès vient de s’enrichir d’une biographie de Robert Lee. Ce dernier est bien connu comme général en chef des Sudistes pendant la Guerre de Sécession, mais on connaît mal, en France, sa biographie. En particulier, on ignore généralement que ce brillant officier aurait pu devenir le chef des armées nordistes, mais qu’il choisit les forces sudistes par fidélité à la Virginie de ses ancêtres. Il devint ainsi l’une des plus célèbres incarnations du Sud. Est-il besoin de préciser qu’il était bien loin d’être l’esclavagiste de caricature que les Nordistes prétendront parfois, puisqu’il avait affranchi les esclaves de sa propriété familiale dès 1857 ? [ Numéro 1015 du vendredi 23 octobre 2015 de " Les 4 Vérités Hebdo " ( 3 rue de l'Arrivée - 75015 - Paris ) spécimen sur demande de la part de " Chiré " ].
Un héros tragique.
5/5 Rivarol
.----. Alain Sanders, dont on connaît la passion pour l'épopée des confédérés, vient de faire paraître chez Pardès une remarquable biographie du général Robert E. Lee, le héros des forces sudistes qui tint tête aux forces unionistes et faillit l'emporter, lors de la guerre de sécession. Le Nord industriel comptait vingt-deux millions d'habitants, le Sud, agricole, cinq millions... Les historiens anglo-saxons ont depuis longtemps fait litière de cette légende qui voudrait que le Nord ait pris les armes contre le Sud " pour abolir l'esclavage ". Robert E. Lee écrira d'ailleurs à sa femme en 1856 : " L'esclavage, en tant qu'institution, est un mal moral et politique ". En fait, ce qui domina dans cette guerre fratricide, c'est la lutte du fédéralisme, incarné par les Etats du Sud qui défendaient leur autonomie, contre la centralisation voulue par les Etats du Nord. Au Nord, comme l'écrit Sanders, " des puritains, descendants des bourgeois anglais et des boutiquiers du XVIIe siècle, inlassables donneurs de leçons, brandissant la Bible à tout propos, débitant des prêches compassés et énonçant des sentences. " Au Sud, et singulièrement en Virginie, d'où est originaire la famille Lee, on descend de gentilshommes à la cour de la reine Elizabeth. Le général Ambert écrira : " Le tempérament, l'éducation, les instincts, les idées, les habitudes, tout contribue à séparer ces hommes. Celui du Nord est industriel, intéressé, replié sur lui-même ; celui du Sud, agriculteur, hospitalier, franc et loyal ". [ signé R.S. en introduction d'un long article dans " Rivarol " , numéro 3202 du 17 septembre 2015 ].