Bilan du monde moderne nous convie à revenir au concret, condition dun retour à l'homme et à l'Esprit, dans le refus du poison de l'abstrait. Car notre monde, si fier de ses constructions massives, meurt d'abstractions. Abstractions l'usine, et la grande ville, et la vie absurde qu'on y mène, et le travail qu'on y accomplit. Abstractions l'Etat moderne, sa bureaucratie et son planisme, la tecnocratie, les partis. Abstractions les affaires, les sociétés anonymes, les banques, les trusts et la finance occulte, et la monnaie fuyante. Fabricant d'abstractions le rationalisme matérialiste qui, ne voyant rien qu'une matière partout identique, n'y trouve que des quantités et des chiffres, et qui d'autre part se laisse entraîner à confier toute la réalité aux mots, porteurs de ses généralisations.
Le concret, ce sont les réalités primaires de la nature, de l'espèce, de la condition humaine : les champs, les métiers, les enfants, la famille et les autres communautés que l'oeil peut voir et mesurer et dont le coeur peut sentir la chaleur. Ce sont les moeurs et non pas les lois. Ce sont les forces spontanées de touts ordres, qu'il est sage de se borner à réveiller, à remettre en mesure d'agir. C'est une économie assagie, ramenée aux besoins locaux, méfiante quant aux mirages de l'abondance technocratique, qui laissent l'homme insatisfait, donc toujours mordu par l'esprit de revendication et l'envie.
Le retour au concret, c'est une manière de mouvoir être et choses du dedans et non du dehors. Le retour au concret, c'est le retour au bon sens. Mais c'est aussi le retour au spirituel. Car le concret est une pensée de Dieu ; l'abstrait n'est qu'une pensée de l'homme. Le spirituel ne s'oppose pas au concret ; il est seulement du concret qui ne se voit pas.