En 1844, Chateaubriand fait paraître sa Vie de Rancé. En 1930, Henri Brémond, séduit à son tour par l'éblouissant personnage, publie L'Abbé Tempête. Ensuite, Rancé rentre dans l'ombre.
Cet abbé est pourtant l'un des plus purs génies du Christianisme, celui que Bossuet appelle "un autre saint Bernard". Ce filleul de Richelieu est d'abord un intellectuel : il publie à douze ans une étonnante édition d'Anacréon, avec commentaire en grec ; il est maître ès arts à dix-sept ans, et reçu premier à la licence de théologie en Sorbonne. Il est ensuite un mondain : prêtre, mais doté de cinquante mille livres de rente, il ne dit pas la messe, lui préférant la chasse, la gastronomie et l'assiduité auprès de la femme la moins vertueuse du royaume au dire de Retz.
Il devient finalement un pénitent. A trente-six ans, il abandonne tous ses biens, se retire à la Trappe, qui le fait passer d'une vie dissolue à une vie sublime, devient ascète, mystique, écrivain spirituel, directeur d'âmes, chef de file de la réforme monastique.
Passion du savoir, passion du luxe, passion de Dieu, cette succession fait de la vie de Rancé une tourmente continue qui s'achève dans l'apothéose d'une mort lumineuse.
Ivan Gobry est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages. Par ces trois importants volumes sur les Moines en Occident, par son Saint Bernard, par son Saint François d'Assise et sa Sainte Marguerite Marie, il était tout désigné pour faire revivre cette grande figure de l'histoire spirituelle.