« Jean Mabire a tenu pendant de longues années (de 1990 jusqu'à sa mort, en 2006), dans la publication National Hebdo, une rubrique littéraire dans laquelle il dressait des Portraits d'écrivains. Au fil des parutions et des années, ces textes ont occupé un certain volume et afin qu'ils ne restent pas confinés dans la collection du magazine, difficile ou fastidieux à consulter sans un index, l'éditeur et son auteur ont pris l'heureuse initiative de les regrouper et les publier en ouvrages parus sous le titre générique Que lire ? « Au-delà de certaines prises de position spirituelles et philosophiques que nous ne partagions pas avec Mabire, nous avons, en chaque circonstance qui nous était donnée, reconnu le grand intérêt et l'inégalable qualité de ce panorama littéraire. Le premier volume est paru en 1994, précédé d'un avant-propos de Jean Mabire qui écrivait : "Que lire, en effet, lorsqu'on vit dans un monde totalement opposé aux valeurs dont nous nous réclamons ? Nombre d'écrivains sont aujourd'hui considérés comme maudits, démodés, inutiles, parce qu'ils ne correspondent pas à l'idéologie dominante. D'autres restent fort connus, mais sont travestis (...) Je cherche à élargir notre horizon, en découvrant parfois, chez les écrivains les plus divers, la présence et même l'exaltation des valeurs qui sont les nôtres. Cela ne va pas sans faire montre de mes préférences personnelles. J'estime davantage les libres penseurs que les conformistes, les aventuriers que les pantouflards, les anarchistes que les dévots, les instinctifs que les intellectuels, les enracinés que les cosmopolites, les enthousiastes que les sceptiques, les écrivains populaires que les auteurs hermétiques, mais j'aime autant les romantiques que les classiques et les révolutionnaires que les conservateurs. Et si les illustres et les "convenables" auront leur place, rien que leur place, les méconnus et les maudits auront aussi leur place, toute leur place, dans ces chroniques". « Depuis cette date, neuf volumes sont parus, constituant une sorte de dictionnaire des non-conformistes, riche de près de 700 noms. C'est dire si il y a matière à attirer notre curiosité intellectuelle autant que notre culture littéraire. Déjà, dans ce premier tome, Mabire donnait le ton, puisqu'à son sommaire figure une belle brochette de "maudits" et de mal aimés : Benoist-Méchin, Béraud, Blondin, A. Bonnard, Brasillach, Céline, Chack, A. de Châteaubriant, La Varende, Maurras, Pourrat, Saint-Loup... Et il en est de même dans les sept autres compilations publiées à sa suite. « Dernièrement est paru le tome IX dans lequel nous relevons les noms de Boutang, Caouissin, Carcopino, M. De Corte, P. Joubert, Le Play, J. Monnerot, P. Sérant ou A. Toussenel. Et arrêtons-nous un instant sur deux autres qui nous sont chers : - Le docteur Paul Carton (1875-1947), anti-conformiste, s'il en est : "Voici un homme qui a écrit près de quarante livres et plus de 160 articles, dont l'œuvre, comme la personnalité ont suscité de nombreux disciples, même s'il est aujourd'hui quelque peu, injustement, oublié. Apiculteur, jardinier, traducteur de grec et du latin, astrologue, il se passionnait pour tout ce qui pouvait relier l'homme à la nature, en un lien véritablement et étymologiquement religieux (...) Lecteur de L'Action française, il reconnaît une valeur irremplaçable aux communautés naturelles, aux hiérarchies traditionnelles et à la lignée familiale". En 1980, notre revue lui avait consacré un numéro spécial (n° 80, aujourd'hui épuisé). - André Figueras (1924-2002), que nous avons très bien connu et avec qui nous partagions une forte et solide amitié. Il fut, pendant de longues années, un rédacteur régulier de nos deux publications. Les Editions de Chiré avaient publié, en 1977, son reportage pris "sur le vif" et le récit des péripéties du retour de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet à la célébration de la liturgie catholique traditionnelle, sous la conduite de Mgr Ducaud-Bourget et de M. l'abbé Coache. Il n'a pratiquement jamais manqué, jusqu'à son décès, d'être présent à nos Journées Chouannes, au cours desquelles il a pris la parole à plusieurs reprises. Auteur d'une centaine de livres (dont une grande partie a été publiée en autoédition), tous ont bénéficié, de notre part et dans les catalogues de DPF, d'un important soutien publicitaire tant qu'ils étaient disponibles. Enfin, il nous est agréable de rappeler qu'il fut un des écrivains dont le nom figure parmi les plus souvent mentionnés aux sommaires des différents Cahiers de Chiré (12 fois sur 21). « J. Mabire le salue en ces termes : "Il fut un des ténors dans le métier de journaliste, jusqu'au jour où il décida de ne plus être "politiquement correct", puisque le conformisme ambiant et la pensée unique s'opposaient radicalement à ce qu'il considérait comme son devoir, c'est-à-dire, tout simplement, de rester fidèle à ses convictions patriotiques et, sur le tard, religieuses (...) Le meilleur Figueras est sans doute éparpillé dans ses trois volumes de souvenirs (Mémoires intempestifs, Mi-Figueras mi-raisin, Le petit monde de don Figueras). Ce ne sont qu'anecdotes, digressions et indiscrétions, parenthèses ouvertes et rarement refermées ; il y montre le sens des formules, parfois meurtrières. Jamais autant que dans ces quelque 650 pages, il ne se montre tel qu'en lui-même, selon la formule du poète : courageux face à tous les puissants et généreux pour tous les réprouvés". « Nous le redisons et le répétons : faites l'acquisition et lisez les titres de cette collection, vous y découvrirez ou apprécierez mieux cette étonnante galerie d'écrivains, le plus souvent peu connus tant ils sont victimes de l'ostracisme imposé par les malveillants censeurs de "l'ordre correct". Nous vous assurons que leur talent est largement égal, et même bien supérieur (le plus souvent) à ceux qui sont artificiellement imposés par les coteries de leurs amis très influents dans les media à la solde de la subversion (Editions Dualpha). Jérôme Seguin, dans Lecture et Tradition (nouvelle série) n° 47 (mars 2015)