Le constat est sans appel !
5/5 https://www.bvoltaire.fr/
.----. « Le combat est perdu. Je le reconnais à contrecœur, mais avec lucidité. Perdu. » Dès la première ligne de son ouvrage Quand l’euthanasie sera là…, le constat du philosophe Damien Le Guay est sans appel.
Ce constat porte une date, celle du 8 avril 2021. Ce jour-là, l’ordre du jour de l’Assemblée nationale porte sur la proposition de loi sur le « droit à une fin de vie libre et choisie ». Si les 3.000 amendements déposés contre le texte ont empêché son adoption, l’article 1er a été adopté par une écrasante majorité transpartisane (LFI, PS, LREM, LR et non-inscrits) : 240 voix pour, 48 contre. Ce dernier prévoit qu’« une assistance médicalisée à mourir peut être demandée par toute personne capable et majeure », si elle se trouve dans une phase « avancée ou terminale » d’une affection « grave et incurable », provoquant une souffrance « physique ou psychique » qui « ne peut être apaisée » ou que la personne concernée juge « insupportable ». La légalisation de l’euthanasie est donc à portée de main.
Alors, quel est le but de Damien Le Guay à travers son ouvrage, si la cause est perdue ? Dénoncer encore et toujours les ravages de l’euthanasie. Pointer du doigt tous les mensonges du parti euthanasique qui œuvre depuis des années pour arriver à ses fins. Rappeler qu’il existe une alternative avec les soins palliatifs et que les équipes qui y travaillent sont toutes opposées à cette hypocrisie du « droit à mourir dans la dignité ». Et surtout réveiller le débat pour les présidentielles qui arrivent, rappelant que certains candidats (Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo, les Verts et aussi Emmanuel Macron) veulent l’inscrire dans leur projet de quinquennat. Le tout dans un style très accessible, qui aide à la compréhension des enjeux éthiques autour de la fin de vie, qu’il qualifie de « civilisationnels ».
Petite sélection, incomplète naturellement, des propos de l’auteur.
La fin des soins palliatifs
Tout d’abord, le choix de la légalisation de l’euthanasie détruira les soins palliatifs. « La mort n’est pas un soin. […] La confiance laisse la mort venir sans la donner. La donner, la brusquer, la provoquer est à considérer comme une rupture du pacte de confiance, une manière d’appliquer la peine de mort. […] D’où la crainte de tous ceux qui travaillent à ras de terre palliative. »
La démagogie au service de l’euthanasie, aux dépends d’une vraie réflexion
L’auteur souligne avec talent la démagogie du parti euthanasique. « Il flatte l’opinion, lui fait croire que la solution est à portée de main » avec la mort comme réponse à tous les maux de la fin de vie. Interviennent dans la démagogie les sondages, où les individus sont interrogés sans jamais avoir réfléchi au sujet, et y paraissent donc favorables sans mesurer tout ce que cela implique. Sur l’euthanasie, « tout semble évident. On leur dit que tout est évident. Et tout est toujours évident quand on croit l’évidence évidente. »
Il explique pourtant que si tout paraît évident, ça ne l’est pas le moins du monde ! « L’idée de l’euthanasie est bonne. Qui voudrait souffrir ? […] Mais une bonne idée ne fait pas une bonne solution. » Le problème est que « j’aurais à décider de l’heure de ma mort. […] Quelle responsabilité effroyable ! […] C’est comme si la volonté devenait, pour être maîtresse de la mort, un petit dieu, le seul qui reste quand les autres ont été détruit. »
De l’exception à la banalisation
Damien Le Guay démontre aussi que, comme tout sujet sociétal, l’on commence par tolérer une exception avant d’en banaliser la pratique. Comme avec la loi Veil. Comme en Belgique, devenue « le village Potemkine de l’euthanasie », où il est désormais possible de demander une euthanasie même sans être majeur, sous certaines conditions qui relèvent souvent de la subjectivité de l’individu.
L’euthanasie économique
Une fois légalisé, l’euthanasie-liberté devient rapidement une euthanasie économique. À terme, l’on risque de dériver « vers un calcul sans fin des contributions financières et des coûts financiers des uns et des autres ». Il y aura trois étapes, selon Damien Le Guay, dans l’euthanasie : celle où elle est considérée comme une liberté de l’individu (ce pour quoi milite aujourd’hui le parti euthanasique), puis celle où les médecins « aiguilleront » la décision à prendre (pour « libérer un lit », car « il vaut mieux “mourir dans la dignité maintenant” »), puis celle où « les algorithmes du Système » détermineront à quel moment il sera bon d’euthanasier une personne en fonction des coûts de cette dernière. On passerait donc d’une loi libertaire à une loi liberticide.
[ Signé : Matthieu Chevallier le 4 mars 2022 ]
Les vautours
4/5 https://www.lesalonbeige.fr/
.----.Philosophe et éthicien, Damien Le Guay vient de publier un ouvrage assez pessimiste sur l’euthanasie. Dès l’introduction, il annonce que ce combat est perdu.
« Le combat est perdu. Je le reconnais à contrecoeur, mais avec lucidité. Perdu. Depuis des années, dans les journaux, à la télévision, à la radio, dans des interventions publiques, je suis de ce combat contre l’euthanasie. Bientôt, tout bientôt, une loi sera votée. La pression est forte. Trop forte pour que la présente mandature ou la prochaine puissent résister. L’euthanasie est pour demain. Je le regrette. Le déplore même. Mais la militance de certains, le manque de courage d’autres et surtout l’étiolement d’une “éthique à la française” qui jusque-là tenait sa ligne de conduite, vont mener, sûrement, et tout prochainement, à une acceptation de l’euthanasie. Tout cela va arriver. Pour ma part, modestement, je défends la noble cause des soins palliatifs et vois bien, comme tous les gens de terrain, que l’euthanasie est incompatible avec cette approche respectueuse de la personne. Je suis de ceux-là, soucieux de tenir les rangs – mêmes s’ils sont clairsemés -, de défendre mes idées jusqu’au bout, surtout si je n’ai rien à y gagner, et que personne ne me paie pour les dire haut et fort. Ce combat-là, surtout s’il sent la déroute prochaine, devient un combat pour l’honneur. Le combat du dernier carré avant la défaite. Le combat de ceux qui se savent en sursis. »
Un combat perdu, en raison de la complicité médiatique avec le lobby de l’euthanasie, de la frilosité de nombreux politiques, etc…. mais pas seulement.
Dans Le Monde, Marie-José Thiel, médecin et professeur d’éthique à la faculté de théologie catholique de l’université de Strasbourg, directrice du Centre européen d’enseignement et de recherche en éthique, souligne que
« L’Eglise catholique s’interroge sur l’opportunité de l’assistance au suicide »
Elle rebondit sur la tribune du père Carlo Casalone, médecin, ancien provincial italien de la Compagnie de Jésus, aujourd’hui membre de l’Académie pontificale pour la vie et professeur de théologie morale à l’Université pontificale Grégorienne. Nous avions évoqué cette tribune favorable (sous certaines conditions, évidemment) au suicide assisté. Comme pour l’avortement, il s’agit, pour ces catholiques, d’encadrer la possibilité du suicide assisté afin d’éviter des maux plus dommageables…
Les partisans de l’euthanasie ont trouvé là un soutien de poids. Et Marie-José Thiel s’en amuse :
Evidemment, depuis la publication de l’article de la Civiltà cattolica, les partisans de la sacralisation absolue de la vie s’en donnent à cœur joie pour critiquer et condamner… Il sera intéressant d’observer les suites données à cette réflexion, qui ne manque pas de souligner la complexité des questions bioéthiques. S’il s’agit certes de proposer des repères et des valeurs, et parfois de tracer des lignes rouges, il ne faudrait pas oublier le mot de Pascal : « Qui veut faire l’ange fait la bête. »
Face à ces arguties, rappelons l’enseignement solennel de Jean-Paul II dans Evangelium Vitae :
[…] en conformité avec le Magistère de mes Prédécesseurs et en communion avec les Evêques de l’Eglise catholique, je confirme que l’euthanasie est une grave violation de la Loi de Dieu, en tant que meurtre délibéré moralement inacceptable d’une personne humaine. Cette doctrine est fondée sur la loi naturelle et sur la Parole de Dieu écrite; elle est transmise par la Tradition de l’Eglise et enseignée par le Magistère ordinaire et universel.
Une telle pratique comporte, suivant les circonstances, la malice propre au suicide ou à l’homicide.
Or, le suicide est toujours moralement inacceptable, au même titre que l’homicide. La tradition de l’Eglise l’a toujours refusé, le considérant comme un choix gravement mauvais. Bien que certains conditionnements psychologiques, culturels et sociaux puissent porter à accomplir un geste qui contredit aussi radicalement l’inclination innée de chacun à la vie, atténuant ou supprimant la responsabilité personnelle, le suicide, du point de vue objectif, est un acte gravement immoral, parce qu’il comporte le refus de l’amour envers soi-même et le renoncement aux devoirs de justice et de charité envers le prochain, envers les différentes communautés dont on fait partie et envers la société dans son ensemble. En son principe le plus profond, il constitue un refus de la souveraineté absolue de Dieu sur la vie et sur la mort, telle que la proclamait la prière de l’antique sage d’Israël: « C’est toi qui as pouvoir sur la vie et sur la mort, qui fais descendre aux portes de l’Hadès et en fais remonter » (Sg 16, 13; cf. Tb 13, 2).
Partager l’intention suicidaire d’une autre personne et l’aider à la réaliser, par ce qu’on appelle le « suicide assisté », signifie que l’on se fait collaborateur, et parfois soi-même acteur, d’une injustice qui ne peut jamais être justifiée, même si cela répond à une demande. « Il n’est jamais licite — écrit saint Augustin avec une surprenante actualité — de tuer un autre, même s’il le voulait, et plus encore s’il le demandait parce que, suspendu entre la vie et la mort, il supplie d’être aidé à libérer son âme qui lutte contre les liens du corps et désire s’en détacher; même si le malade n’était plus en état de vivre cela n’est pas licite ». Alors même que le motif n’est pas le refus égoïste de porter la charge de l’existence de celui qui souffre, on doit dire de l’euthanasie qu’elle est une fausse pitié, et plus encore une inquiétante « perversion » de la pitié: en effet, la vraie « compassion » rend solidaire de la souffrance d’autrui, mais elle ne supprime pas celui dont on ne peut supporter la souffrance. Le geste de l’euthanasie paraît d’autant plus une perversion qu’il est accompli par ceux qui — comme la famille — devraient assister leur proche avec patience et avec amour, ou par ceux qui, en raison de leur profession, comme les médecins, devraient précisément soigner le malade même dans les conditions de fin de vie les plus pénibles.
Le choix de l’euthanasie devient plus grave lorsqu’il se définit comme un homicide que des tiers pratiquent sur une personne qui ne l’a aucunement demandé et qui n’y a jamais donné aucun consentement. On atteint ensuite le sommet de l’arbitraire et de l’injustice lorsque certaines personnes, médecins ou législateurs, s’arrogent le pouvoir de décider qui doit vivre et qui doit mourir. Cela reproduit la tentation de l’Eden: devenir comme Dieu, « connaître le bien et le mal » (cf. Gn 3, 5). Mais Dieu seul a le pouvoir de faire mourir et de faire vivre: « C’est moi qui fais mourir et qui fais vivre » (Dt 32, 39; cf. 2 R 5, 7; 1 S 2, 6). Il fait toujours usage de ce pouvoir selon un dessein de sagesse et d’amour, et seulement ainsi. Quand l’homme usurpe ce pouvoir, dominé par une logique insensée et égoïste, l’usage qu’il en fait le conduit inévitablement à l’injustice et à la mort. La vie du plus faible est alors mise entre les mains du plus fort; dans la société, on perd le sens de la justice et l’on mine à sa racine la confiance mutuelle, fondement de tout rapport vrai entre les personnes. […]
[ Publié par Michel Janva le 31 janvier 2022 ]