AARON. - Un dictionnaire qui ne commencerait pas par un mot comportant comme première lettre la voyelle A redoublée, ne ferait pas sérieux. J'ai donc choisi Aaron, sans avoir rien de bien particulier à en dire. A la réflexion, ce n'est pas un mauvais choix, car cet Aaron liminaire vous démontrera, si besoin est, que si ce dictionnaire est rétrograde, il a su éviter l'écueil du racisme.
ZABUS. - De toute façon, il me faut un Z, lettre rétrograde qui se tortille tout à la fin de l'alphabet. Pour faire un digne pendant à Aaron, j'ai pensé vanter, in fine, le charme des zinnias, célébrer l'éclat du zircon, vous parler du zodiaque cher aux astrologues, flanquer par avance une volée de bois vert aux zoïles qui n'aimeront pas ce bouquin, rendre un hommage mérité aux zouaves, ou peut être dire zut aux zélateurs du Progrès fauteur de zizanie. Mais tout ça sentait l'artifice et j'ai finalement choisi de vous parler des zabus, sujet toujours d'actualité. Alors, allons-y pour les zabus ! L'abus implique l'usage ; un abus est donc un usage frappé d'hypertrophie, ou de sclérose, soit qu'il ait outrepassé son but, soit que ce but soit devenu caduc. Tel est l'abus véritable. Il y a aussi le faux abus, celui qui fait grommeler : "Il y a de l'abus !" Le grommeleur est souvent un mécontent, parfois un aigri dont la bonne foi est suspecte. Tout homme raisonnable et prudent est attaché aux abus, car il faut redouter les réformes. Des réformes, nous en avons notre content. Et les réformateurs ne connaissent sans doute pas un des mots les plus brillants, les plus vrais, les plus profonds de la langue française. Il est naturellement du XVIIIe siècle et d'un brillant esprit bien de chez nous. Il n'est pas de l'Italien Rivaroli dit Rivarol, il est d'un Allemand, le prince de Ligne.
- Que d'abus, si on les supprimait !
Pierre Weité est l'un des hommes les plus hautement réjouissants, parce que l'un des plus vraiment vivants qu'il soit donné de rencontrer. Comme tel, il est, par nature, non-conformiste et même non-conforme. Comme tel, encore, il est homme d'humeur et d'humour. Ayant des choses à dire, des choses qui lui tiennent à cœur (pourquoi pas ?) , il a choisi l'ordre alphabétique "cet ordre, rappelle Jacques Perret, où sont cachés les secrets de l'ordre universel". Là de A à Z, il vide son sac, un véritable sac à malices.