De saint Augustin à Charles de Foucauld, l'Algérie a été terre de mission. Mission difficile d'ailleurs, car, de tous temps, il s'est agi de se battre contre un climat rude, une nature hostile et, après notre arrivée, contre une administration stupidement anticléricale et un Islam rétrograde.
Par ce combat continu, le Clergé d'Algérie s'est forgé une âme ardente, prête à toutes les épreuves, à tous les sacrifices. Et, de fait, il fallait, de nos jours, que cette âme soit bien trempée pour supporter les conséquences atroces de ce qu 'il est convenu d'appeler "la décolonisation" : églises profanées, cimetières pillés, pasteurs et paroissiens "enlevés" (on sait trop ce que cet euphémisme cache), voilà la croix de douleur que rapportaient dans leurs maigres bagages les prêtres réfugiés d'Algérie.
Ces prêtres, après tant de souffrances, étaient en droit d'attendre un accueil fraternel de la part du clergé métropolitain. Or, mises à part quelques exceptions, dès leur arrivée sur l'Hexagone, ils se sont heurtés trop souvent à l'indifférence, au mépris, voire à l'hostilité de certains chrétiens de France, eux-mêmes intoxiqués par des doctrines spécieuses plus proches de Karl Marx que de saint Paul.
Nous nous demandons dans l'angoisse : sans l'existence des "nouveaux prêtres", pourrait-il y avoir des "prêtres perdus" ?
Parce qu'il apporte une réponse à cette question, ce livre révélateur vient à point. En l'écrivant, Jean Loiseau n'a pas entendu faire oeuvre de politique, et encore moins de polémiste ; il s'en tient strictement au plan humain : "La nudité des faits est plus éloquente que tous les ornements de la parole", écrit Gustave Thibon dans une émouvante préface.
Comme dans son précédent ouvrage, "Pied-Noir, mon frère", l'auteur a voulu apporter un témoignage sur le problème crucial de l'intégration des prêtres d'Algérie ; sur ce drame le silence de certaines autorités religieuses est pour le moins inquiétant.
Qu'il ne puisse pas être dit un jour : "Je suis venu chez vous et vous ne m'avez pas reconnu !" Que soient prises les décisions humainement nécessaires pour intégrer à la place qui leur est due ces "prêtres perdus". Que justice leur soit rendue. L'expérience vécue deviendra alors la base d'un renouveau chrétien.
Si ce livre contribue efficacement à la réconciliation, s'il peut être l'instrument d'une compréhension et d'une union indispensables, il aura atteint son but.