Quand la France s'enthousiasmait pour le futur Pie XII
5/5 ALETEIA
.----. Que s'est-il passé lors du conclave de 1939 qui a élu Pie XII et quel rôle la France y a-t-elle joué ? L'auteur de "Pie XII, un pape pour la France", qui vient de paraître au Cerf, a mené l'enquête dans les archives françaises, belges, italiennes et vaticanes. Il a découvert nombre de documents prouvant la grande proximité à partir des années 1930 entre Paris et le Saint-Siège autour du cardinal Pacelli, le futur pape. Très vite, les Français lui apportent un soutien inconditionnel et en font le candidat de la France contre l'Italie fasciste et l'Allemagne nazie.
Si la période 1922-1925 s'avère trop lourde de tensions pour permettre à la diplomatie française de recueillir les fruits de son retour auprès de la papauté en 1920, tout change avec l'arrivée du cardinal Pacelli à la tête de la secrétairerie d'État puis avec celle d'Hitler au pouvoir en Allemagne. La convergence franco-vaticane devient alors aussi évidente que forte, soigneusement entretenue par les ambassadeurs Joseph de Fontenay et François Charles-Roux qui, tour à tour, œuvrent à exploiter les bonnes dispositions de Pacelli dont la profonde hostilité à l'encontre du régime hitlérien est évidente. Ses différents entretiens avec les diplomates des démocraties nous le font apparaître comme un responsable très au fait des réalités de son temps, sans illusions sur le programme hitlérien et les méthodes du IIIe Reich.
L'homme de la France
Mais à partir de 1937 la santé du vigoureux Pie XI se dégrade brutalement, ouvrant la perspective d'un conclave inédit : le premier depuis les accords du Latran. Dès lors les diplomaties française et italienne se livrent une guerre sourde dans les chancelleries et les couloirs du Vatican pour influencer le prochain vote des cardinaux. L'Italie fasciste paraît la plus inquiète devant la perspective de la montée sur le trône pétrinien du cardinal Pacelli qui lui apparaît comme l'homme de la France. N'a-t-il pas effectué deux voyages, l'un à Lourdes en 1935, l'autre à Paris en 1937, véritables triomphes que le Quai d'Orsay et la presse ne se sont pas fait faute d'exploiter ?
Sans surprise, à la mort de Pie XI en 1939, le Sacré Collège choisit le cardinal Pacelli en faveur duquel les cardinaux français ont usé de toute leur influence pendant la Sede Vacante. Notons bien qu'ils le font en toute connaissance de cause de sa volonté d'apaisement avec l'Italie et l'Allemagne car ils en ont compris le sens. Loin d'être l'expression d'une complicité ou d'une lâcheté, elle vise à sauver l'Église allemande et à affaiblir l'Axe Rome-Berlin.
La presse française quant à elle exulte, y compris Le Populaire, le journal de Léon Blum, et même L'Humanité ! La France a son pape, un antinazi qui devra lui servir de caution morale. Elle envoie une délégation prestigieuse aux grandioses cérémonies du couronnement. Qu'il est loin le temps du laïcisme de Combes et des violences anticléricales ! La fille aînée renoue avec l'Église.
Les archives parlent.
Or, très vite, les Français s'aperçoivent que Pie XII n'est pas à leur service mais à celui du Saint-Siège, que la papauté défend d'abord ses intérêts qui ne coïncident pas forcément avec les leurs et que le Vatican a sa propre conception du système international. La désillusion de l'été 1939 est cruelle et annonce les attaques contre Pie XII dont beaucoup viendront de France. En fin de compte, les archives parlent. Encore une fois en faveur de Pie XII.