voyage dans le passé !
5/5 http://memoireafriquedunord.net/
.----. L’auteur nous entraîne dans un voyage dans le passé : toute l’histoire du Maghreb défile à travers les âges tandis
que nous le suivons aujourd’hui dans sa découverte d’Oran et d’Alger. A l’époque du portable, du trajet aérien
Marseille - Oran d’une heure cinquante, il nous fait naviguer pendant 55 heures sur un vieux ferry El Djezaïr , parmi
des passagers mutiques avec des péripéties contrariantes : l’incendie du ferry qui fait la traversée en sens inverse et
prend feu aux Baléares et auquel ils portent secours. L’agitation de la mer dans le Golfe de Gascogne ne peut
l’émouvoir car ce reporter du Figaro a traversé l’Atlantique à la voile. Avec beaucoup d’humour, il se reproche
toutefois de ne pas avoir invoqué Apollon « Dieu équestre qui règne sur le grand écueil de l’Eubée et accorde aux
prières un vent favorable ! ». Nourri de l’Odyssée mais aussi d’Hérodote, il rappelle qu’au temps où la Méditerranée
était un lac romain, il fallait jouer avec les colères d’Eole et qu’il y avait 20 jours de navigation entre Marseille et
Alexandrie. Les traversées s’effectuaient, de préférence quand la mer était « ouverte entre le 27 mai et le 14 septembre ». Le créneau était étroit pour transporter les jarres d’huile d’olive, le vin et le froment après
l’affrontement des guerre puniques ( ... ... )
Mais c’est un livre sans nostalgie puisque l’auteur découvre ces villes en s’aidant de lectures historiques, le constat
d’un œil vierge et implacable. Il se souvient aussi de Tocqueville et de ses critiques ; cette administration d’autrefois
tatillonne, cite encore Camus qui parle d’Oran « comme d’une capitale de l’ennui, assiégée par l’innocence et la
beauté ». Il sourit des exagérations des Goncourt à la recherche d’un orientalisme absent et qui l’inventent. La
conquête de Charles X tomba à plat chez les artistes et les esthètes. Les Romantiques tels Chateaubriand ou
Lamartine s’extasient sur un autre Orient : celui de la Syrie. La conquête d’Alger ne fut nullement célébrée par les
poètes et tomba à plat. Les gouvernement ne surent que faire de leur prise. Le peuplement ne commença qu’après
la tragédie de 1870. Alphonse Daudet a clos le chapitre avec son Tartarin de Tarascon, parodie de Don Quichotte et
qui ne tue qu’un pauvre lion aveugle. « Adieu Orient, ridicule plein de locomotives et de diligences où je suis un
dromadaire » ! Isabelle Eberhardt qu’on ne présente plus, est noyée… dans le désert par un oued déchaîné en 1904 .
L’auteur s’émeut de la Grande Guerre ; encore à Oran décidément tragique ; quatre bateaux transportant des
troupes et du ravitaillement, sont coulés dans sa rade à coups de canons par des sous- marins allemands entre le 1er
et le 20 octobre 1915. Il va dans un cimetière remplir un flacon, avec de la terre pour un vieil ami pied noir de Paris.
Mais les tombes ont été bétonnées. Il trouve près d’une fosse un peu de terre rouge.
Le gardien s’étonne puis comprend et l’assiste. Du reste, tout s’est estompé de la guerre d’Algérie. Au fil des
conversations dans les cafés d’ Oran et d’ Alger, il comprend que le grand traumatisme est celui de la guerre civile
contre les islamistes dans les années sombres de 90. Il effectue un dernier voyage dans le passé littéraire, à Tipasa :
ruines antiques ; éboulis, colonnades écroulées. Des enfants bruyants en casquettes, battent les buissons ; des
couples s’abritent, furtifs, dans l’ombre des arbres, des sacs en plastique et des paquets de chips encombrent les
rochers. « Il n’y a plus de noces païennes à Tipasa » …
Mais on peut embarquer sur un paquebot de papier piloté par Dieuleveult.
[ Signé Annie Krieger-Krynicki , extrait de "Les cahiers d’Afrique du Nord" N°103 – Septembre 2021
]