Si certains traits de l'apport chrétien à l'éthique conjugale, telles l'importance accordée à la liberté de l'engagement ou la primauté reconnue à l'amour, sont en accord avec les évidences contemporaines, l'indissolubilité du mariage est au contraire un des points de contradiction majeurs entre le christianisme et les catégories les plus obvies de notre culture. Qu'un engagement puisse être définitif ; qu'un lien, né de la parole de deux sujets libres, ne puisse pas être rompu par ces mêmes sujets, cela dépasse les notions d'une philosophie du contrat, de l'épanouissement du moi et de la précarité. Assurément, notre culture est plus une culture de l'analyse, de la déliaison, de la dissolution qu'une culture du lien et de l'indissolubilité ! En d'autres termes, est-il bien raisonnable de publier un ouvrage sur l'indissolubilité en un temps et dans un pays où 38 % des mariages conduisent à un divorce ? La question clé de notre recherche est celle-ci : est-il possible de continuer à affirmer l'indissolubilité du lien conjugal dans le contexte d'une culture de la subjectivité ou, plus précisément, en assumant les acquis d'une philosophie et même d'une théologie de la personne et de la liberté ? Dans l'affirmative, la voie est alors celle d'une compréhension de l'indissolubilité qui ne repose pas seulement sur la primauté de l'institution ou sur une sacralisation des liens, mais qui découvre ou redécouvre, à travers le subjectif, ce qui est au-delà du subjectif. Si tout se joue dans l'interpersonnel, celui-ci plonge dans plus profond, plus large et plus réel que ce qui est senti, éprouvé, représenté. Vers les intrications inconscientes du lien, vers ses dimensions sociales et familiales, vers sa portée théologale et ecclésiale.