Les Poneys sauvages.
4/5 Enquête sur l'histoire
.----. Parmi les romans, plusieurs laisseront des traces durables, tel le bouleversant Lieutenant des Taglaïts de Philippe Héduy, La Leçon d'anatomie de Vladimir Volkoff, Les Appelés de Claude Klotz, Les Commandos de Chasse de Jean Mabire, ou Le Crabe Tambour, dont Pierre Schoendorffer a tiré un
film admirable. Tous les auteurs de ces romans avaient vécu la guerre avant de la décrire. C'est rare et cela se sent. L'intimité avec le sujet explique aussi, dans un genre différent, le pouvoir puissamment évocateur des albums de Marc Flament, photographe d'Aucune Bête au Monde et de Piste sans fin, vraies chansons de la geste parachutiste, poétiquement commentées par le colonel Bigeard.
Mais il est une œuvre littéraire majeure à laquelle on pense rarement au sujet de la guerre d'Algérie. C'est pourtant bien le poids de ce drame qui irrigue de bout en bout Les Poneys sauvages, roman tour à tour sombre et lumineux, qui fit découvrir au grand public le talent de Michel Déon. Ce livre envoûtant, que l'on peut lire et relire d'un œil toujours neuf, tant est multiple sa richesse romanesque, est imprégné d'un dégoût sans fond et d'un pessimisme viril qui doivent tout aux sentiments de l'auteur sur la guerre d'Algérie. Il traduit l'esprit de l'époque, mieux que La Condition humaine ne l'avait fait pour une période précédente. C'est le livre d'une agonie et d'une renaissance, à l 'image du destin de la « Classe Soixante », sacrifiée, fidèle et invaincue.
[ Extrait d'un article signé : Charles Vaugeois avec pour titre : Histoire d'une génération sacrifiée dans le numéro 2 printemps 1992 ]