Une publication à applaudir
5/5 Una Voce N°292 Sept-Oct 2013
Le blog d'Yves Daoudal est fort fréquenté, et l'on comprend pourquoi en lisant ces Notules. Il adopte un ton très personnel sur les plus graves questions, jouant parfois les paysans du Danube (ou du Blavet, ou du Scorff, je ne sais plus bien quel est le fleuve qui passe près de chez lui...). Ce blog comporte souvent des développements sur la liturgie, qu'à notre avis il devrait grouper à part (un second blog ?), car elles voisinent avec des foucades de politique politicienne ou ecclésiastique... plus étonnantes, ou détonantes. Ce préambule est pour dire qu'on ne peut qu'applaudir à cette publication à part de notes (qui sont plus que des notules) sur Vatican II relu en 2012. Daoudal ne commente pas tous les textes. C'est selon leur importance et aussi selon son humeur. On ne partagera pas forcément toutes ses opinions. Je le trouve personnellement un peu sévère pour Pie IX, ou pour ceux qui refusent de lire la Bible sans explications : on voit pourtant bien, aujourd'hui comme hier, les désastres produits par une lecture fondamentaliste des textes sacrés (l'abbé Bournisien avait raison !)
Sur Gaudium et Spes (l'Église et le monde moderne), Daoudal partage l'opinion critique de Benoît XVI, et va même plus loin: "Gaudium et Spes est un slogan que l'on va pouvoir brandir pour installer la subversion dans l'Église" (le Père Bruckberger disait : "Vatican II est l'alibi en béton qui permet aux évêques de laisser démolir l'Église").
Sur Dignitatis humanae (la déclaration sur la liberté religieuse), il est nuancé et il a raison. La vérité est que les textes pontificaux ou conciliaires sur cette question parviennent rarement au juste équilibre, les uns (comme celui-ci) insistant trop sur la liberté des cultes divers (sans d'ailleurs définir le mot culte), les autres pas assez sur la liberté nécessaire à l'acte de foi.
Lumen Gentium (sur l'Église) est son texte préféré. Il cite le passage où il est redit, à travers une citation de saint Thomas (Il1. Q73 a 3) que "hors de l'Église il n'y a point de salut", Il cite un autre passage, occulté par la traduction française, où la famille est présentée comme une Ecclesia domestica. Il se réjouit que ce texte ait mis fin à une spiritualité individualiste née avec la Renaissance et "déjà battue en brèche par le mouvement liturgique de Dom Guéranger".
C'est évidemment le chapitre sur Sacrosanctum concilium (le texte sur la liturgie) qui retiendra davantage notre attention. Daoudal commence par rappeler combien il est caractéristique de la dérive dite "conciliaire", puisqu'on lui attribue la messe en français, la messe face au peuple, ou la communion dans la main, qui ne s'y trouvent pas... Ou encore "la participation active (actuosa) des fidèles", alors que l'expression est déjà, en 1903, dans le Motu proprio de saint Pie X sur la musique sacrée. Mais il montre qu'au chapitre II de Sacrosanctum concilium, sur la concélébration, "on est passé d'un extrême à l'autre", et qu'au chapitre III, on a donné le feu vert à ceux qui allaient "détruire la liturgie du baptême et particulièrement le baptême des petits enfants" (avec le nouveau rituel) "très critiqué par le théologien Ratzinger"). Devant le chapitre IV, son indignation éclate : "On a massacré l'Office divin ! On a censuré les Psaumes ! On a censuré la prière que Dieu nous avait donnée pour aller vers lui !" Je vous laisse lire ces vingt pages passionnantes sur la réforme liturgique.
Notons tout de même encore que Daoudal mentionne les propos d'Olivier Messiaen sur le grégorien, et raconte l'échec du grand compositeur à se faire entendre de la Commission diocésaine de Mgr Delarue. Il doit corriger souvent la traduction française des textes conciliaires, en donnant le texte latin, par exemple sur les statues des églises : "moderato numero, ne admirationem inficiant" (traduction correcte : "en nombre modéré, afin de ne pas troubler l'admiration du peuple"). Hélas, on sait que les traducteurs officiels de l'Église de France sont encore aujourd'hui des saboteurs avérés, qu'ils ont récidivé pour l'encyclique Spe salvi, pour le catéchisme Youcat qu'il a fallu renvoyer au pilon, etc.
<p align="right">Benoît Le Roux <a href= http://www.unavoce.fr/ target=_blank>www.unavoce.fr</a>