Un livre rare !
5/5 http://www.magistro.fr/
.----. Je souhaite attirer l’attention de ceux qui, comme je le suis, ont été passionné par
l’histoire de l’Indochine puis du Vietnam. J’ai lu un livre rare en raison de
l’impressionnante documentation sur l’émergence de la nouvelle république sud
vietnamienne. En effet, même si l’homme est connu, peu de spécialistes ont fait un
véritable inventaire de sa vision politique.
Paul Rignac le fait avec une rare et très fine
observation, remettant en perspective non seulement l’acteur de cette période de
l’histoire mais en le plaçant dans le contexte culturel de l’identité vietnamienne, de
l’importance de la transmission des valeurs culturelles par le clan familial et d’un sens
presque sacrificiel de la fonction "du prince" difficile à comprendre pour de
pragmatiques occidentaux et en tous cas illisible pour la pensée simpliste américaine.
Ceux qui sont bouleversés par l’agonie de l’Indochine et l’échec d’une transition vers
l’émergence d’une nation libre et authentiquement vietnamienne découvriront les clefs
psychologiques, culturelles et historiques nécessaires à la compréhension des acteurs
politiques de cette tragédie.
Seul Rignac, historien chevronné de cette partie du monde pouvait, il me semble, faire
découvrir la pensée du fondateur de la république du Sud Vietnam, Ngo Dinh Diem. Il
analyse en connaisseur (ses nombreux voyages et la très riche documentation dont il
dispose) ici la complexion de l’âme asiatique incarnée en ce dernier. L’auteur s’est
surpassé en faisant oeuvre d’historien rigoureux et objectif. Son intelligence du contexte
est particulièrement fine. Par une documentation très scientifique il situe la réalité d’un
homme aussi complexe qu’exceptionnel. Réduire Diêm à un pantin des américains est
aussi grossier que stupide. La preuve la plus évidente est sa fin tragique. Celle-ci fût
orchestrée et soutenue par l’administration américaine qui donnera son feu vert pour le
faire assassiner. La raison étant l’indépendance absolue de l’homme qui, parfois, va
même jusqu’à se priver de ceux qui auraient pu l’aider. L’auteur le souligne notamment
en présentant les diplomates français prêts à soutenir cette vision gaullienne avant l’heure
mais qui seront découragés par la susceptibilité excessive du nouveau chef de l’exécutif
indochinois. En cela Paul Rignac montre cette fragilité tellement propre au caractère
vietnamien et qui, ici débouchera sur le tragique.
Enfin on a beaucoup gaussé sur la famille. La fameuse Madame Nhu, sa belle-soeur que
la légende noire transformera en Torquemada parce qu’elle s’était attaqué au monde
sulfureux des proxénètes et des trafics de drogue. Personnage complexe et de caractère,
elle n’est pourtant pas étrangère à l’image traditionnelle de la femme vietnamienne aux
rênes d’un pouvoir. Mais lui attribuer une totale domination sur la politique de son
beau-frère est une simplification d’analyse que Rignac resitue exactement à sa place.
L’historien rappelle un contexte politique de l’époque redoutable. Cela rend tout
jugement définitif entre mauvais et gentils, entre ce qui aurait dû être fait et pas fait
hasardeux. La Chine et l’union soviétique, joueurs d’échecs virtuoses dament le pion à
une Amérique inapte à saisir le monde qu’elle pense pouvoir remodeler avec des concepts
simplistes. Diem profondément anticommuniste mais redoutablement susceptible sur la
souveraineté de son Etat était à la lecture de cette biographie le seul homme d’envergure
susceptible de damer le pion à Ho Chi Minh en incarnant la légitimité vietnamienne
sans pollution idéologique. Il exaspère l’éléphant américain qui mal à l’aise dans les
subtilités extrême orientales acceptera par une complicité tacite son assassinat. On ne
peut être que consterné devant l’absence de pensée politique de l’administration
américaine et de son ambassadeur Henry Cabot-Lodge jr .
Ngo Dinh Diem est né dans une famille aristocratique mandarine. Habité par une
passion sans concession pour son pays il a hérité de son père, familier de la cour
impériale, une francophobie exacerbée et mal venue au moment où la France envoie un
corps expéditionnaire mourir pour un empire déjà souverain. La francophobie familiale
n’empêchera pas son frère aîné de se faire former en France.
A l’inverse de son challenger du Nord Diêm sera un homme d’une intégrité morale
unique dans l’histoire politique. Catholique convaincu il sera présenté comme "le moine
président". Rignac pointe le revers d’une vertu exigeante sans doute : une excessive
rigidité. Diem en quelques années abat un travail remarquable en modernisant son pays.
Il construit "les villages stratégiques" qui auront pour effet d’éliminer la totalité des
intrusions communistes au sud. Pourtant son hostilité aux Français dont plusieurs
représentants lui étaient favorables le privera d’un soutien majeur et l’isolera sur la scène
mondiale au même moment où la Russie et la Chine bénéficient en tous lieux et dans
toutes les institutions internationales de réseaux d’influence et de lobbys
particulièrement efficaces. Son nationalisme "autistique" lui enlèvera le soutien de
puissantes alliances à l’heure où ses ennemis du Nord sauront magistralement orchestrer
celles-ci. Diem, un de Gaulle asiatique incompris ? On ne peut qu’y penser en lisant ce
livre exceptionnel écrit dans une langue fluide et magnifique.
Rôle des dirigeants américains .
5/5 Le Casoar .
.----. Aucune biographie de Ngo Dinh Diem n'existait en français, alors que de nombreuses
ont été écrites en américain. C'est une lacune que vient de combler cet excellent ouvrage
de Paul Rignac.
Ngo Dinh Diem, très anti-français, se confia dans les bras américains
pour organiser la république du Sud Vielnani et lutter contre son ennemi du nord. Mais
les dirigeants américains ne comprirent jamais ni ce pays ni l'homme qui le dirigeait. De
plus, Diem se mit à dos la presse bien-pensante internationale à cause du régime
autoritaire qu'il mit en place. Et au moment où il prenait le dessus sur les communistes
du nord grâce à l'aide matérielle américaine et grace à son programme des "hameaux
stratégiques », Averell Harriman et Cabot Lodge l'emportèrent auprès du président
Kennedy contre l'avis de meilleurs connaisseurs du Vietnam qu'étaient l'ambassadeur
Nolting et le chef du poste CIA de Saigon, W. Colby.
Il fut décidé d'éliminer Diem sans
prévoir de remplaçants de valeur. La conséquence fut l'augmentation de l'aide
américaine et l'instabilité politique jusqu'à la victoire du Nord.Cet ouvrage fait
découvrir un homme, certes très controversé, mais qui, s'il avait eu de meilleurs
interlocuteurs, aurait pu changer le cours de l'histoire. [ Signé : Henri Carrard (62-64) dans " Le Casoar ", mars 2019 ]