Catholique, Bonaparte ?
4/5 L'homme nouveau .
.----. [...] Pour terminer cette présentation, voici le livre de Philippe Bornet, Napoléon et Dieu, qui ne peut que, par son thème, intéresser les lecteurs de L'Homme Nouveau. En dix chapitres, l'auteur esquisse les rapports de l'Empereur avec Dieu et la religion, relation tumultueuse s'il en est. Napoléon déclare dans son testament «?(mourir) dans la religion apostolique et romaine, dans le sein de laquelle (il est) né il y a plus de cinquante ans?».
Catholique, Bonaparte ? C'est Dieu qui sonde les reins et les coeurs mais pour ce qui concerne le for externe, tout un chacun peut juger que Napoléon ne fut pas un catholique convaincu ni un souverain "très chrétien". Homme des Lumières, voltairien, robespierriste, la religion est pour lui un moyen efficace d'encadrer la société. «?On peut se passer de Dieu mais pas de religion?», aurait-il affirmé. Restaurateur de la religion en France par le Concordat de 1801, il considère le catholicisme comme «?la religion de la majorité des Français?» et non comme la seule arche du Salut. Les articles organiques voient la victoire du gallicanisme.
Divorcé, volage, suicidaire, excommunié, longtemps éloigné des sacrements, Napoléon est aussi le persécuteur des papes Pie?VI et Pie?VII. Philippe Bornet éclaire nombre de ces questions dans ce livre. À l'annonce de la mort de Napoléon, Pie?VII, qui avait tant souffert par la France et avait bien prié et pardonné à son tourmenteur, permit qu'un service funèbre fût chanté à Rome pour lui par son oncle, le cardinal Fesch.
[ L'Homme Nouveau, n°1738 du 19 juin 2021 ]
Théiste et/ou matérialiste ?
4/5 Dynastie.
.----. On va finir par célébrer le bicentenaire de la mort du « martyr de Longwood » mais ce ne sera sans doute pas pour évoquer la manière dont l’ancien empereur affronta dignement la persécution maniaque de ses geôliers anglais, la maladie et la mort à seulement 51 ans. C’est pourtant une question aussi intéressante que tant d’autres qui font actuellement polémique.
Surtout quand elle est traitée avec la finesse de Philippe Bornet, qui sait discrètement mettre beaucoup de lui-même dans un essai court, par dossiers successifs. Napoléon, adepte des Lumières et admirateur de Robespierre, était-il théiste et/ou matérialiste ? Sans doute. Mais ce serait négliger « l’empreinte ineffaçable » que laissa en lui une enfance catholique (premier dossier), celle d’un Corse d’origine toscane, qui annexait à sa généalogie un moine canonisable selon la légende familiale (le capucin Bonaventure Bonaparte, de San Miniato). Restaurateur de l’Église et instituant un nouveau Concordat, Napoléon croyait non seulement que la religion est indispensable aux peuples, mais qu’elle est aussi très utile à chaque homme. Même s’il eut à ce propos des mots contradictoires.
Napoléon ne s'embarrassa certes pas du droit de l'Église pour parvenir à ses fins, que ce soit lors de la messe du sacre à Notre-Dame ou quand il divorça de Joséphine pour épouser Marie-Louise (second dossier). Devait-il communier en ces occasions ? Il expliquera qu'il croyait assez en la présence réelle pour ne pas vouloir commettre un blasphème… Par ailleurs, il donnait souvent raison à Mgr Jean-Baptiste Duvoisin, évêque de Nantes et confesseur de l'impératrice, dans des discussions à caractère théologique : « J'étais extrêmement content de l'évêque de Nantes [...] Il m'eût converti et me ramenait toujours vers la religion au lieu que le cardinal Fesch (ndlr : son oncle) m'en éloignait. » Un troisième dossier – « Napoléon et la mort »* – affine l'analyse psychologique d'un homme hautement conscient d'avoir un destin providentiel.
Mais l'Empereur avait d'autres soucis que de se convertir alors qu'il était en conflit ouvert avec le pape Pie VII (quatrième dossier) dont il confisquait les États avant de le faire prisonnier à Savone pour répliquer à une excommunication en 1809, ce qui déclenchait la cinquième coalition contre la France, début de la fin…
Tout semble dit à ce moment du livre sur ce qu'on peut savoir des opinions de Napoléon sur Dieu. Vient pourtant un cinquième dossier sur la franc-maçonnerie, aux accents très actuels, s'inspirant du livre du père Michel Viot (Ces francs-maçons qui croient en Dieu, Le Rocher, 1995) et qui permet probablement de faire comprendre un peu mieux à nos contemporains, toutes proportions gardées, la démarche religieuse de l'Empereur.
Le sixième dossier est un petit dossier extrêmement fouillé et convainquant sur ce dont Napoléon est mort. C'est un détour où l'auteur, qui est médecin de première formation, excelle et qui, selon lui, va nous permettre de mieux cerner les variations des inquiétudes métaphysiques exprimées par l'exilé, selon qu'il se croie en bonne santé, qu'il se sente malade, où qu'il se sache agonisant (les trois derniers chapitres).
À Sainte-Hélène, dans les derniers temps, on assiste à la messe tous les dimanche et on a beaucoup de lectures et de discussions religieuses.
Si Napoléon croyait vraiment que le Bon Dieu allait l'accueillir dans son paradis (dont il se fait une curieuse représentation de rassemblement d'anciens combattants réconciliés), on ne le saura pas totalement. Jamais il ne se repentit semble-t-il pour l'assassinat du duc d'Enghien auquel il pensait souvent… Mais une chose est sûre, il n'aurait pas voulu qu'on puisse penser qu'il n'était pas mort en catholique. Et ce n'était pas seulement par calcul politique ou attachement filial, mais pas convictions profonde. Ce Napoléon humilié mérite plus de miséricorde que le triomphateur brouillon qu'on nous sert habituellement. Puisse-t-il trouver sa place dans les célébrations que notre président actuel va nous improviser. [ Signé : Frédéric Aimard ; Dynastie, n°62, 23 mars 2021 ]
Bicentenaire de la mort de l’Empereur.
4/5 Herault Direct
.----. Napoléon et Dieu est seulement le troisième livre paru sur ce thême ; les deux précédents (de Beauterne et Lombroso) étant parus en 1840 et 1920.
Que se passe-t-il quand l’homme le plus puissant du monde depuis vingt siècles, rencontre le Tout-Puissant ?
Napoléon est issu d’une famille profondément catholique et s’éloigna de Dieu après s’être disputé avec son confesseur de l’Ecole militaire, qui lui reprochait de préférer la Corse à son nouveau souverain Louis XVI.
Dans cet essai historique, pr2fac2 par le Pr Jean Tulard, Philippe Bornet nous explique que Napoléon était civilement bigame et que ses deux mariages religieux étaient invalides!
Ayant connu à Saint-Hélène les mêmes humiliations qu’il avait imposées au pape Pie VII, il s’entretenait fréquemment de questions religieuses avec ses compagnons d’infortune (nature de l’âme, immortalité, vie après la mort...) et reprit une série de lectures religieuses et théologiques avant de demander la consolation d’un aumônier.
Napoléon était superstitieux et fort ignorant en matière religieuse : il n’a jamais compris la différence entre annulation du mariage et divorce. Il concédait au Pape le pouvoir spirituel mais réclamait le pouvoir temporel absolu et, pour lui, la nomination des évêques en faisait partie. Il força les cardinaux absents à son mariage avec Marie-Louise, à quitter leur tenue rouge et les exila, voire les emprisonna.
Excommunié en 1810, il tenta par tous les moyens d’obtenir du pape un deuxième concordat en 1813.
Le cardinal Fesh, son oncle lui avait fait parvenir une tabatière en forme de cercueil dans le fond de laquelle était écrit : « Pense à ta fin, elle est proche ».
Le samedi de Pâques, il se convertit.
Auteur:
Philippe Bornet, clinicien, ancien journaliste est l’auteur de guides pratiques, romans historiques et essais.
2021... Bicentenaire de la mort de l’Empereur.
Pour achever ce cycle de commémoration commencé en 1969, la Fondation Napoléon a fédéré les institutions engagées dans ce bicentenaire au sein du label « 2021 Année Napoléon ».
Une Année Napoléon inoubliable... partout : l’ Année Napoléon se déclinera dans toute la France, grâce aux institutions muséales, d’archives et de recherches, aux Villes Impériales, à des délégations du Souvenir napoléonien et à des institutions régionales ou locales comme l’Institut catholique de Vendée, mais aussi à l’étranger, grâce à la Commune de Waterloo ou les Domaines nationaux de Sainte- Hélène. [ Publié par "Herault Direct", le 10 mars 2021 ]