La dégradation de l'agriculture et de la santé, conséquence du libéralisme économique par Benjamin Guillemaind Un vieux diction dit que l'on creuse sa tombe avec ses dents. Pour se garder des excès de bouche, l'Ecriture recommandait la vertu de sobriété : sobrii estote. Aujourd'hui, la principale cause des maladies est due à la mauvaise qualité de l'alimentation. La moitié d'entre vous mourront, dans les 20 ans qui viennent, d'un cancer. Et le professeur Belpomme, chargé par J. Chirac d'endiguer ce mal, nous dit que "80 % des cancers sont le résultat de notre alimentation". Vous êtes tous des cancéreux potentiels. Il faut donc affronter cette situation et chercher les causes premières du mal. D'abord, il faut rendre hommage aux pionniers, les premiers "écologistes", qui, dès les années trente, prirent conscience de la dérive de notre agriculture et de nos comportements alimentaires. Je cite Henri-Charles Geffroy, fondateur de la "Vie Claire" qui fut un réseau de distribution de produits naturels, et propagateur d'une éthique de vie fondée sur un ordre naturel de la création. Raoul Lemaire, Jean Boucher, Georges Racineux... et bien d'autres, moins connus, qui passèrent pour des foufous et des marginaux refusant les prétendus progrès de la modernité. Ils furent les premiers à préconiser une agriculture biologique. Ils s'opposaient aux travaux du chimiste Liebig, qui voulait simplement restituer à la terre les trois éléments de fertilisation chimique des sols : azote, phosphore et potasse (dits N.P.K.). Cette pratique augmenta considérablement les rendements, mais subordonna l'agriculture à l'industrie et l'enferma dans un système économique de productivisme industriel, fondé sur la quantité plus que sur la qualité, entraînant une bureaucratie paralysante et des spécialisations qui exigent des investissements considérables. On arriva même à concevoir une agriculture hors-sol. "Comment peut-on, d'un métier lié au sol, avoir fait un métier hors-sol ?" s'insurge P. Rahbi, cet Algérien qui, en Ardèche, s'applique avec beaucoup de bon sens à faire revivre une agriculture naturelle. Le lien entre le sol et l'animal éclate encore plus devant les résultats de l'élevage industriel : volailles que l'on pousse à surproduire à coups de nourriture artificielle en les maintenant en survie grâce à des médicaments et pour endiguer une mortalité considérable ; poulets aux hormones qu'il faut obtenir en 27 jours ; veaux, bovins et cochons à élever en quelques mois. (...)