N'oublions pas Bastien-Thiry Il y a eu quarante ans cette année... le 11 mars 1963, à 6 h 39, par un matin blafard et pluvieux au fort d'Ivry, un officier français était abattu par les balles françaises du peloton d'exécution dans les fossés de la prison. Brillant ingénieur en aéronautique et père de famille exemplaire, rien ne prédisposait cet homme à devenir un révolté. L'orgueilleux général, alors chef de l'Etat, qui a refusé le recours en grâce du condamné, n'a pas voulu faire preuve de clémence. Il a même déclaré cyniquement : "Celui-là, ils pourront en faire un martyr, s'ils le veulent, lorsque j'aurai disparu. Il le mérite". Si De Gaulle avait une haute idée de sa personne, le condamné avait, en revanche, une haute idée de la France et de l'honneur. Jean-Marie Bastien-Thiry, lieutenant-colonel de l'armée de l'Air, était donc cet homme placé au poteau d'exécution, face au peloton braquant sur lui ses fusils. Il est mort, courageux et droit dans le matin blême. Il n'a pas crié "Vive la France", mais il est tombé en égrenant son chapelet, en priant pour la France. A l'époque, cette exécution eut un immense retentissement et provoqua une profonde émotion dans l'opinion publique. Mais le temps passe... Il a passé et l'oubli, l'inexorable oublie efface petit à petit le souvenir. Ce héros au coeur pur et à l'idéal élevé, ce modèle de chrétien, ce père de famille aimant, cet officier et ingénieur d'une grande compétence est-il encore présent aujourd'hui dans les mémoires ? Bien sûr, nous sommes encore quelques-uns à évoquer son exemple et à témoigner en sa faveur : mais notre génération passée, que restera-t-il du souvenir de cette âme noble et généreuse ? Qui était Bastien-Thiry Issu de vieille souche Lorraine, cet aîné de trois enfants est né le 10 octobre 1927 à Lunéville, ancienne cité ducale et importante garnison de cavalerie. Le jeune Bastien-Thiry fut un élève brillant et un scout dont les lignes de force de sa promesse seront celles de sa vie d'homme. Il deviendra polytechnicien et un ingénieur particulièrement savant. En 1947, il est reçu à l'X et sortira de l'Ecole supérieure d'Aéronautique en 1952. Nommé en Algérie à Colomb-Béchar, il sera affecté au Centre d'essais des engins spéciaux. Devenu le spécialiste des missiles téléguidés, c'est lui qui a mis au point les célèbres SS 10 et SS 11. (...)