Entretien avec François de Crécy à propos de son livre Venise (Editions de Paris) Lecture et Tradition : François de Crécy, vous venez d'écrire un livre sur Venise. Un de plus, si nous osons dire. Il existe des centaines d'ouvrages consacrés à cette ville. Pourquoi avez-vous souhaité, malgré tout, allonger la liste ? François de Crécy : Bien sûr, j'ai hésité, non pas à écrire, car l'écriture comporte ses propres joies et sa propre récompense, mais à publier. Quelques amis m'ont convaincu mais aussi deux phrases que j'avais lues. La première est d'Henri de Régnier. Ce sont les premiers mots de L'Altana ou la vie vénitienne : "S'il ne manque point d'un certain ridicule à écrire un livre sur Venise, le risque en est compensé par le plaisir qu'il y a à le courir. (...) Le puissant et magique attrait qu'a exercé la Ville incomparable diminue le péril d'y céder à son tour. On est si aisément confondu dans la foule de ses admirateurs que l'on peut impunément se donner la satisfaction de s'ajouter à leur nombre et de prendre part dans leurs rangs". La seconde est de Paul Morand dans Venises : "Les canaux de Venise sont noirs comme l'encre ; c'est l'encre de Jean-Jacques, de Chateaubriand, de Barrès, de Proust ; y tremper sa plume est plus qu'un devoir de français, un devoir tout court". Voilà, j'ai rempli mon devoir ! Le principal écueil était d'écrire sur l'histoire, l'architecture, la peinture, la musique... de Venise, pour lesquelles de merveilleux livres existent déjà. Je me suis donc contenté de me promener dans Venise, dans toutes les Venise car il y en a plusieurs, et de profiter de l'air, de la lumière, du silence, des couleurs, des parfums... et de faire bénéficier mes lecteurs de mes impressions et de mes sensations. Comme l'a écrit Giono, "on va à Venise pour être heureux". J'espère avoir fait partager mon bonheur. Lecture et Tradition : Quand on connaît votre passion pour Venise, on s'étonne que vous ne l'ayez découverte que tardivement, après cinquante ans. Pourquoi avoir tant attendu ? François de Crécy : J'avais très envie d'aller à Venise. Son histoire me fascinait. Son caractère unique aussi. Il y a de belles villes dans le monde mais rien ne ressemble à Venise. Je rêvais de descendre le Grand Canal, "la rue la mieux maisonnée du monde" comme l'écrivait Commynes et aussi de me perdre dans ce labyrinthe de petites rues, places, passages couverts (...)