Mai 68 ou la mauvaise graine Certains auteurs tendent à sourire de Mai 68, d'une part, parce que le mouvement leur a paru folklorique, sans idéal, sans doctrine, d'autre part, parce que la plupart des meneurs - à l'instar de Cohn-Bendit - se sont désormais embourgeoisés et siègent dans de bons fauteuils parlementaires. Ce qu'on avait cru une Révolution n'aurait été qu'un soufflé de fromage. Tel n'est pas l'avis de Georges Dillinger qui, après son essai sur "Le politiquement correct", analyse le pourquoi du ras-le-bol alors exprimé, la violence de l'explosion et surtout ses retombées, plus de trente ans après. Sur le pourquoi, l'auteur fait remonter le phénomène aux années 50, avec le désenchantement dû à la pseudo-Libération, à la guerre d'Indochine, à la décolonisation allumée par le gaullisme depuis le discours de Brazzaville, à ses répercussions sur l'Afrique du Nord, à la perte du sens du sacré et des valeurs religieuses. Processus démoralisant, qui aurait pu être stoppé par le sursaut salvateur de Mai 1958, mais qui, au contraire, ne fit que s'aggraver avec le retour du Guide au pouvoir. En fait, Mai 68 est la conséquence de l'échec de Mai 58, mouvement qui, lui, était animé d'un idéal et d'une doctrine de reconstitution spirituelle et de reconstruction sociale. Cette doctrine ayant été refusée, la destruction ne fit que s'accélérer, pour atteindre son paroxysme dix ans plus tard, d'un 13 mai l'autre, et entraîner non seulement la fin du gaullisme mais - si Dieu n'y veillait encore - la fin de la France elle-même dans un conglomérat apatride, appelé mondialisme. Car, Georges Dillinger le montre très bien, l'aboutissement de Mai 68, c'est le mondialisme. (...)