La Blessure, de Jean-Pierre Dickès - La lecture de Claude Mouton-Raimbault C'est un document très important à verser au dossier de l'histoire de l'Eglise et surtout à méditer. Alors que la France s'est repliée sur elle-même après la perte de l'Algérie et que l'Eglise déclare, au contraire, s'ouvrir au monde avec le Concile Vatican II, Jean-Pierre Dickès, étudiant en médecine, se sent appelé à la prêtrise. En 1965, à 22 ans, il entre au grand séminaire d'Issy-les-Moulineaux avec soixante-dix-huit jeunes gens. Il espère trouver dans cet établissement, dont la réputation n'est plus à faire, une formation solide, une direction spirituelle sûre, un renforcement de son idéal et de sa foi. Car, comme il l'écrit dans son introduction, "une vocation, si patente soit-elle, si belle soit-elle, ne pourra se développer que si on l'aide." Or que va-t-il trouver ? Un bouleversement total qui, en un an, mettra à bas la vénérable institution sulpicienne. Certes, ses professeurs - tous des prêtres - sont, pour la plupart, des puits de sciences, mais c'est à se demander si le mieux n'était pas devenu l'ennemi du bien, si trop d'intellectualisme ne menait pas à l'orgueil et à la révolte. C'est en tout cas l'impression que j'en retire. Alors que, jusque-là, les intelligences se trouvaient tempérées par la foi, l'espérance et la charité, et par la contemplation, l'ouverture au monde et ce qu'on a appelé "l'esprit du Concile" les attiraient dans le piège de "l'action". De l'action pour l'action. C'est-à-dire de l'activisme, au détriment de l'apostolat missionnaire. En bref, de la lutte des classes et de l'illusion. Avant même la fin du Concile, "l'esprit du Concile" soufflait très fort, précédant de peu et peut-être déchaînant les événements de mai 68, que seuls la menace d'une intervention militaire et les accords de Grenelle empêchèrent de dégénérer en Révolution. Le bâton et la carotte, quoi ! (...)