N°184 Juin 1992 - F Brigneau, Léon Daudet

EDITORIAL (extrait) Léon Daudet ou le royalisme allègre Le 30 juin 1942 s'éteignait Léon Daudet. Il y a aujourd'hui cinquante ans. Il n'a donc pas survécu à cette guerre qu'il avait dès 1922 annoncée du haut de la tribune de la Chambre des Députés, sous les sifflets et les insultes d'une classe politique que la victoire bâclée avait rendue aveugle et stupide. Il n'a pas survécu à cette catastrophe de 1940 à propos de laquelle Julien Green écrivait, au coeur même du naufrage : "Tout est fini. Il n'y a plus de France; en quelques semaines, mille ans de culture ont sombré. Nous pensions que l'édifice était solide. Il croulait." Ainsi aura été épargné à Léon Daudet le sort vraisemblablement misérable qui l'attendait aux premières lueurs d'une sanglante "libération". Il est à craindre que le bouillant polémiste eût terminé sa carrière devant un peloton d'exécution ou au mieux, avec tant d'autres frères de plume, dans les geôles de Marianne IV. Surprenante vie que celle de Léon Daudet, surprenante oeuvre aussi, riche de paradoxes et de contrastes qui lui confèrent une place à part au sein du mouvement royaliste, où il se taille cette réputation d'indépendance dans la fidélité qui justifie pleinement le qualificatif de "libre réactionnaire" si heureusement choisi par M. Eric Vatré. Paradoxalement, c'est pourtant au sein du sérail de la Ille République que Léon Daudet fait ses premiers pas et connaît ses premiers succès littéraires et journalistiques. Pourtant, chez les Daudet, on en tient plutôt pour le Roi, même si les provençaux sont un peuple parfois contradictoire. En effet, comme chez son futur compère Maurras, la souche de la famille est provençale; mais les opinions sont dissymétriquement réparties. C'est ici la branche paternelle qui chouanne, notamment avec la plume.