Editorial (extrait) par jean-Baptiste Geffroy : Pour le Bicentenaire, tout commence ! Lecture et Tradition aura donc dû céder et évoquer, ne serait-ce qu'une fois, le Bicentenaire. Pour ma part, j'ai eu longtemps la tentation de passer sous silence cet anniversaire misérable et ridicule. Et puis, je me suis aperçu que tout au long de cette année, la formidable opération de propagande et d'intoxication tournait court, que les couacs se multipliaient, que les critiques se faisaient plus acerbes et plus profondes. Le Bicentenaire, tant s'en faut, ne faisait pas l'unanimité. Le citoyen a fini par se lasser du prêchi-prêcha incantatoire, répétitif et envahissant, du tricolore à toutes les sauces et jusqu'à l'écoeurement, du "Ça ira" à longueur de temps, quand, pour beaucoup, la feuille de paye atteste que, décidément, rien ne va. Et que dire des manifestations "patriotiques" où l'on convie les enfants des écoles publiques et privées vaguement catholiques, attifés en sans-culottes, à reguillotiner Louis XVI et Marie-Antoinette pour la cause des droits de l'homme ? Que dire de ces opérations promotionnelles ringardes comme cette galerie foireuse organisée aux Tuileries ? Que dire enfin du raout délirant concocté par Gaude sur les Champs-Elysées qui aurait sans aucun doute effaré bon nombre de jacobins patriotes ? Tout ce tintouin n'en a pas moins soulevé l'indignation des paladins du Tiers-mondisme : le chanteur Renaud, flanqué de l'inévitable évêque Gaillot, protestant contre les fastes d'un anniversaire auquel paradaient les sept vampires de l'humanité affamée. A l'étranger même, on a du mal à saisir la signification et la cohérence de cette commémoration bariolée et vulgaire, avec son bric à brac de Foire du Trône et son fourbi de gadgets dont on sait d'ores et déjà qu'ils laisseront dans les bilans de certains marchands du Temple quelques redoutables (et salutaires) stigmates. Mais ce qui semble capital et m'a valu la peine d'être souligné, c'est l'ampleur de la contestation intellectuelle du phénomène révolutionnaire : éditions, rééditions, colloques et manifestations en tous genres bousculent la vieille idole au point que les thuriféraires du bonnet rouge en appelent aux manes de Robespierre.