Editorial Il y a trente ans, le 13 mai de Robert Martel La foule était immense, bigarrée, enthousiaste, palpitant d'une folle espérance, emplissant Alger d'une immense clameur : Algérie-Française ! L'armée au pouvoir ! A sa tête, parmi ses chefs, Robert Martel, pied noir de choc, nourri du chapelet, soldat du Sacré Coeur qui depuis près de trois ans préparait ce peuple martyr au grand jour. Celui du renversement d'un régime pourri jusqu'aux moelles, rongé de compromissions, d'abandons et d'impuissance. A Paris on s'affole; on comprend que, cette fois, la vague est déferlante et que ce jour marque la fin d'un système. C'était le 13 mai 1958 à Alger, jour d'espoir et de deuil, jour où tout fut possible et où tout fut perdu, jour d'exaltation fraternelle dont les frémissements ont marqué pour toujours ma mémoire d'enfant et dont les derniers soubresauts s'achèvent cinq ans plus tard, aux premières lueurs de cette aube blafarde du 11 mars 1963 à Fresnes, où Jean Bastien-Thiry sert sa dernière messe avant de tomber sous les balles gaulliennes. Il y eut pourtant deux 13 mai 1958 : le 13 mai des dupes et celui de la contre-révolution. Il y a eu le 13 mai des Loges, de De Gaulle, avatar diabolique d'un système qui pratique la métempsychose. Et puis il y a eu le 13 mai de Robert Martel, la "réplique à 1789", le rejet de tout un monde, l'espoir d'un renouveau. Assurément, c'est ce second 13 mai qui est le moins connu, et pourtant, c'est le nôtre, celui que Claude Mouton a raconté dans son livre la Contre-révolution en Algérie et que l'historiographie du drame algérien a implacablement occulté. Ce 13 mai contre-révolutionnaire, c'est tout le combat de Robert Martel, un combat totalement original, aux antipodes des perspectives à courte vue tracées par des chefs aveugles et sourds, manipulés par la Révolution. (extrait de l'editorial de Robert Martel)