Introduction Pour la masse de nos contemporains, qui vont jusqu'à confondre réalité et materialisme, il n'y a pratiquement point d'autre vérité que les problèmes terre à terre et les plaisirs quotidiens. S'il leur faut s'élever au-dessus des préoccupations immédiates, ils ne disposent guère que des réflexes, préjugés ou formules toutes faites venus du milieu social et auxquels on se réfère tant qu'ils n'entravent pas l'hédonisme. Cette misère de l'esprit, explicable par la faiblesse humaine abandonnée à elle-même, peut être imputée à la carence des "maîtres à penser". Les penseurs, quant à eux, accordent la vérité à leurs constructions intellectuelles. Pour les uns, les libéraux, il existe autant de vérités que d'opinions et l'on n'est point certain que l'une vaille vraiment plus que l'autre ; c'est le sens profond de la question qu'héritiers de Pilate ils répètent après lui : "Qu'est-ce que la vérité ?" Pour les autres, les marxistes, n'est vrai (provisoirement) que ce qui à un moment donné favorise la révolution ; purement tactique, la vérité n'a ni réalité en soi ni pérennité. Multiple pour les uns, variable pour les autres, inexistante en fait pour tous, la vérité est la grande absente de notre temps. Et cette absence explique suffisamment l'étonnante incohérence de la pensée qui, avec ses conséquences pratiques funestes, nous semble la marque la plus notable des jours que nous vivons. Si l'on veut sortir de cette incohérence et de ses effets, il convient donc de restaurer la vérité. Mais, pour la restaurer, il faut au préalable la retrouver. L'objet du travail que nous présentons ici est de proposer un itinéraire menant à la vérité. Sans doute s'agit-il du schéma d'un cheminement personnel, mais il faut comprendre que ce mot "personnel" n'implique pas le recours à une argumentation artificiellement conçue. Personnel ne signifïe pas subjectif. Sans doute en cheminant avons-nous fait usage de notre propre jugement : il n'existe aucun moyen de faire autrement. Mais notre démarche se veut néanmoins purement objective et, si elle est guidée par notre raisonnement, elle reste soumise au réel. Personnel ne signifie pas non plus original. Parmi les argument s que nous utiliserons, certains seront consciemment empruntés à nos lectures, d'autres dériveront d'emprunts moins conscients ou bien viendront de nos réflexions. Peu importe d'ailleurs, car rien de tout cela ne peut être vraiment nouveau puisque tout se veut fondé sur le réel et non sur l'imaginaire. De personnel, il n'y a finalement que le choix des étapes. Quelqu'un d'autre choisirait sans doute d'autres arguments, tout aussi objectifs, et suivrait un autre cheminement. Mais, de même que tous les chemins, dit-on, mènent à Rome, tout itineraire fondé sur le réalisme et excluant tout apport subjectif, tout blocage dû aux préjugés, aboutit nécessairement à l'unique vérité.