Jacques d'Arnoux Les sept colonnes de l'héroïsme Il s'agit d'une réédition, puisque cet ouvrage a paru en 1938, mais quand l'héroïsme, dans toute l'acception du terme, est relégué au rang des vieilles lunes, ce cri d'alarme au-dessus des sombres nuées mérite de retentir à nouveau. Surtout quand il a été lancé par un héros de la première guerre mondiale, dont la vie ne fut qu'un long calvaire. Jacques d'Arnoux, pilote aviateur de chasse, abattu en 1917 et la colonne vertébrale brisée, reste, en effet, durant soixante ans (il mourut en 1980) paralysé des deux jambes. Animé d'une foi intangible et radieuse, il n'eut de cesse, dans ses ouvrages, d'enrichir spirituellement les adolescents et de faire réfléchir ses contemporains trop matérialistes. Cette épopée nous conduit tout d'abord (en songe) dans une série de temples, en ruines ou délabrés, où nous rencontrons de grands hommes et écrivains célèbres. Se plaçant du point de vue spirituel, Jacques d'Arnoux trace d'eux des portraits sévères, en se référant à certains de leurs textes. Dans cette optique, sont ainsi mis en accusation non seulement Nietzsche, Jean-Jacques Rousseau, André Gide et bien d'autres, mais aussi Montaigne, Shakespeare, Goethe. De quoi en surprendre plus d'un... Dante et Condé eux, sont présentés (avec Pascal) comme les héros chrétiens par excellence. Ce n'est qu'après la première partie de ce gros ouvrage que l'auteur dresse les Sept Colonnes de l'Héroïsme qui sont, selon lui, l'intelligence (laquelle n'est pas l'érudition et l'on se doute que le scientisme et certaines philosophies sont sévèrement condamnés), l'enthousiasme, la mémoire, la volonté, le sacrifice et l'ire (contre le mal, car il ne s'agit pas de la colère) et enfin la grâce, qui, seule, permet d'atteindre la sainteté héroïque. Pour le chrétien exemplaire que fut Jacques d'Arnoux, la grâce supporte tout l'édifice, et sans elle, l'héroïsme véritable ne saurait exister. Cette conception et d'autres idées développées par cet assoiffé de sainteté, d 'amour de la créature, de l'art, du prochain et surtout d'amour divin, pourront provoquer certaines réactions, mais il est salutaire, tonifiant, de se retremper dans des pages qui, comme l'écrit Michel de Saint Pierre, peuvent "soulever au-dessus d'eux-mêmes les adultes les plus aplatis". R.S. le 21 janvier 1983 dans Rivarol