Extrait de l'Editorial Pour le centenaire de la naissance du cardinal Pie (26 septembre 1915), le cardinal Billot rédigea un éloge qui parut dans le Bulletin catholique du diocèse de Montauban (n° 40 et 41, 2 et 9 octobre 1915). Le grand théologien romain voulait faire revivre la voix de Mgr Pie, parce qu'elle est, disait-il, une voix de vérité, remettre en évidence ses exemples, parce qu'ils sont des exemples de lumière, rappeler ses enseignements par ce que ce sont des enseignements riches d'indications pour la conduite à tenir aujourd'hui. Trente-cinq ans après la mort de son héros, il craignait déjà que les continuels changements de la scène politique et religieuse, joints à l'éloignement de la tombe, fasse oublier ces choses. Que dirait-il cent trente cinq ans plus tard ? Qui lit aujourd'hui encore le cardinal Pie ? Résumons les propos du cardinal Billot. L'époque de Mgr Pie, dit-il, fut une préparation, une préface aux bouleversements actuels. Ce temps commence avec le retour des Bourbons, après les Cent Jours, et finit exactement à l' avènement de la République radicale des Gambetta et des Ferry. Toute cette époque d'entre-deux se caractérise par divers essais de réaction contre quelques conséquences des principes de la Révolution, tandis que ces principes eux-mêmes, consacrés par la législation napoléonienne, continuent de régner sur l'esprit public, de s'établir dans l'opinion, et de pénétrer de plus en plus dans les moeurs. Il y eut d'abord, de 1815 à 1830, la Restauration, qui devait mentir à son nom parce qu'ony chercherait en vain la restauration des droits de Dieu, qui restaient subordonnés en tout aux intérêts du trône. "L'Église, il est vrai, y recevait un traitement de faveur ; mais seulement en vertu de la fameuse formule le trône et l'autel, le trône d'abord, l'autel ensuite, et l'autel comme soutien, étai et appui du trône; autrement dit, le monde renversé." Les journées de juillet 1830 balayèrent tout cela, pour lui substituer le régime de l'État indifférent, donnant à tous les cultes un tr aitement égal, faisant une application pacifique et régulière des principes de 89. L'Église, circonscrite dans les limites du droit commun, sut néanmoins profiter de l'espace de liberté et du modus vivendi qui lui étaient offerts, et la pensée catholique connut un certain développement au cours de ces années. (...)