ÉDITORIAL : Décidément, nous ne pouvons, ces dernières semaines, y échapper : les impondérables de l'actualité et de l'information "immédiate" nous parviennent, pour la deuxième fois consécutive, au moment même du "bouclage" de ce numéro. Le mois dernier, ce fut la nomination inopinée du nouveau gouvernement dont nous avons publié la composition dans l'urgence et que nous ne commentons que quelques semaines plus tard, aujourd'hui. Ce mois-ci, nous venons d'apprendre (le 24 septembre) l'horrible traitement dont a été victime Hervé Gourdel, guide de haute montagne français, fait prisonnier en Algérie, trois jours auparavant et utilisé par ses ravisseurs, les groupes islamistes radicaux, comme monnaie d'échange contre la fin des "frappes" de nos armées en Irak et au Moyen-Orient. Le gouvernement, ferme et déterminé, n'a pas cédé. Hervé Gourdel en est mort, dans des "conditions atroces", nous dit-on. Nous en sommes aussi consternés que sa famille, ses proches et les responsables politiques, en particulier des Affaires étrangères et de la Défense de notre pays. Nous nous permettons, toutefois, de ressentir un certain malaise en écoutant les diverses déclarations émanées immédiatement de toutes parts, ponctuées de qualificatifs qui ressassent sempiternellement les mêmes refrains : cet acte dénote l'horreur barbare des terroristes, indignant la France dans la peine, réunie, solidaire et rassemblée autour de nos valeurs "républicaines", désignées sous diverses épithètes : tolérance, laïcité, respect, humanité, démocratie... Bien sûr, nous compatissons à l'immense douleur de la famille et des amis de M. Gourdel, mais nous ne nous souvenons pas avoir entendu les media débordant d'autant d'apitoiement lorsqu'il y a une cinquantaine d'années, dans la même Algérie, ce sont des dizaines de milliers de victimes (aussi bien Européens que harkis musulmans) qui subirent un sort identique de la part des partisans de l'islam radical (égorgements, émasculations, enfants horriblement assassinés, femmes enceintes éventrées...). Le gouvernement actuel savait pertinemment qu'en "ne cédant pas" au chantage, il envoyait le pauvre Gourdel à la mort. En est-il, pour autant, plus respectable que son devancier, sous la houlette de De Gaulle qui a délibérément laissé se perpétrer les massacres ignobles d'environ 150 000 de ses concitoyens, dont on ne respecte même plus la mémoire aujourd'hui Jérôme SEGUIN